Prescription de l’action en nullité (OUI) – L 716-2-6 du CPI non applicable (CA Bordeaux, 25 oct. 2022)

Une demande en nullité portant sur la marque verbale CHATEAU LA ROSE, déposée le 4 juin 1986, a été formée devant l’INPI – cette demande a été rejetée.

La question de la prescription de cette demande était débattue devant la Cour d’appel de Bordeaux.

Le titulaire de la marque contestée soutenait que la demande en nullité était prescrite au regard de l’article 2224 du Code civil – selon lui, la prescription était acquise depuis le 19 juin 2013.

Le demandeur à l’action en nullité se prévalait au contraire du nouvel article L.716-2-6 du Code de la propriété intellectuelle issu de l’ordonnance n°2019-1169 du 13 novembre 2019 et de la loi PACTE qui ont pour effet de rendre imprescriptible l’action en nullité d’une marque et qui, selon l’article 124 III de ladite loi, sont applicables rétroactivement aux titres en vigueur au jour de la publication de celle-ci.

La Cour ne suit pas la position du demandeur. Elle juge que la demande en nullité est prescrite et par conséquent irrecevable.

Se fondant sur les articles 2 et 2222 du Code civil, elle relève que l’article L. 716-2-6 du CPI n’est pas applicable aux actions en nullité de marque dont la prescription était déjà acquise lors de l’entrée en vigueur de la loi PACTE du 24 mai 2019.

Elle précise qu’il convient d’appliquer ici le délai de prescription de droit commun prévu à l’article 2224 du Code civil et de rechercher en conséquence, le jour où le demandeur a eu connaissance ou aurait dû connaître les motifs de nullité allégués.

Le demandeur avait connaissance dès le 1er février 2000 des faits lui permettant d’engager une action en nullité de marque de sorte que la prescription était acquise depuis le 19 juin 2013.

Décision rendue par la Cour d’appel de Bordeaux, 25 octobre 2022, RG 21/04291

2023, nous voilà !

Le cabinet vous souhaite une excellente année et a hâte de vous retrouver !

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Absence de risque de confusion et d’atteinte à la renommée de la marque ADIDAS aux trois bandes (CA Paris, 2 nov. 2022)

La société ADIDAS AG est titulaire de la marque de l’UE figurative portant sur trois bandes parallèles, apposées sur un pantalon ou un short.

Elle a assigné en contrefaçon une société au regard de la commercialisation de pantalons revêtus de deux bandes parallèles, compte tenu, selon elle, de l’existence d’un risque de confusion avec sa marque et de l’atteinte portée à sa renommée.

S’agissant des actes de contrefaçon par imitation, la Cour suit la position des premiers juges et écarte tout risque de confusion.

Bien que la marque revendiquée bénéficie « d’une distinctivité et d’une notoriété élevées, ancienne et persistante », il est jugé que les deux bandes contestées sont apposées « à titre de motif décoratif » sur le pantalon.

Elles s’inscrivent dans les tendances du marché et présentent des similitudes plutôt faibles avec la marque aux trois bandes.

Ces éléments créent pour le consommateur une perception distincte de celle d’équidistance que le public associe à la marque ADIDAS et excluent tout risque de confusion, le public concerné ne pouvant se méprendre sur l’origine des produits.

S’agissant de l’atteinte à la renommée, soulevée à titre subsidiaire, la Cour admet que le public associe les deux bandes litigieuses à la marque ADIDAS compte tenu de sa forte renommée, de sa distinctivité et de l’identité des produits en cause.

En dépit du risque de lien « avéré » entre le signe incriminé et la marque antérieure, l’atteinte n’est pas caractérisée dans la mesure où l’apposition de telles bandes résulte davantage des tendances du marché que d’une volonté de se placer dans le sillage de la marque ADIDAS. Aucune dilution ou dégradation de cette marque n’est davantage caractérisée.

Espérons que cette décision motivée, sévère à l’égard du titulaire de droits mais empreinte de très nombreuses références à plusieurs arrêts importants de la CJUE, sera déférée à la Cour de cassation afin de déterminer si les principes ont été parfaitement appliqués.

Décision rendue par la Cour d’appel de Paris, 2 nov. 2022, RG 20/18680

Saisies-contrefaçon en matière de droits d’auteur – nullité des opérations (CA Paris, 30 sept. 2022)

Une société spécialisée dans le conseil en merchandising a assigné en contrefaçon de ses droits d’auteur la société HARIBO, au regard de prototypes de bonbonnières en forme de citrouille réalisés pour Halloween.

Elle a fait réaliser, à cet effet, 7 saisies-contrefaçon dont la validité était contestée en défense.

La Cour d’appel annule la majorité de ces saisies, not. pour les raisons suivantes :

➡ Conformément au principe de loyauté dans l’administration de la preuve, un délai de deux minutes entre la présentation par l’huissier de l’ordonnance sur requête et les opérations de saisies-contrefaçon, est insuffisant.

L’huissier n’a pas permis à la société saisie de prendre connaissance des termes de l’ordonnance et d’en comprendre la portée.

➡ L’huissier a outrepassé ses pouvoirs en interrogeant les personnes présentes sur place. Il était effectivement autorisé à consigner les paroles énoncées au cours des opérations, mais devait s’abstenir de toute interpellation.

L’huissier qui n’était pas investi d’une mission d’enquête, ne pouvait donc procéder à de telles interrogations.

➡ L’huissier est strictement tenu par les termes de l’ordonnance et ne peut réaliser une saisie-contrefaçon dans les locaux d’une société dotée d’une personnalité morale distincte de la défenderesse et sans aucun lien avec cette dernière.

Cette interdiction a vocation à s’appliquer même si la société en question a la charge du stockage et du transport des produits critiqués – elle ne peut pour autant être considérée comme ‘dépendant’ de la défenderesse.

Cet arrêt ne bouscule pas la jurisprudence constante sur ces questions mais il est manifestement toujours essentiel de rappeler les fondamentaux.

En voici une bonne illustration.

Les saisies-contrefaçon sont la source d’un abondant contentieux récurrent et conditionnent généralement le succès de l’action sur le terrain de la preuve.

Décision rendue par la Cour d’appel de Paris, 30 septembre 2022, RG 21/00511

Marque déposée en fraude des droits d’un tiers (CA Paris, 5 octobre 2022)

Un animateur de télévision expose avoir créé le slogan « SORTEZ COUVERTS ! » – protégé à titre de marque – systématiquement prononcé à la fin de chacune de ses émissions pour sensibiliser les jeunes sur les méthodes de prévention du SIDA.

Il a assigné, en fraude de ses droits, une société à l’origine du dépôt d’une autre marque « SORTEZ COUVERTS ! » et de l’enregistrement de noms de domaine identiques.

La Cour d’appel confirme le jugement et admet que le dépôt a été réalisé dans des conditions frauduleuses, not. au regard des éléments suivants :

– Compte tenu des pièces produites – une volumineuse revue de presse établissant la notoriété du slogan et son utilisation – et de l’activité concurrente des parties, la défenderesse ne pouvait ignorer, au jour du dépôt litigieux, l’usage du signe antérieur.

– La connaissance par la défenderesse du slogan « SORTEZ COUVERTS ! » pour promouvoir des produits identiques, caractérise en soi « son intention patente de faire obstacle à l’exploitation du signe » par la demanderesse et donc sa mauvaise foi.

– Cette mauvaise foi est confirmée par le dépôt de la marque litigieuse dans un libellé exactement identique à celui du slogan et, concomitamment à ce dépôt, par la réservation de 15 noms de domaine reprenant l’expression litigieuse sous diverses formes.

Décision rendue par la Cour d’appel de Paris, 5 octobre 2022, RG 21/04997

Déchéance pour usage trompeur d’une marque patronymique – JC DE CASTELBAJAC (CA Paris, 12 octobre 2022)

Le créateur français, M. de Castelbajac a cédé les marques JC DE CASTELBAJAC et JEAN-CHARLES DE CASTELBAJAC à la société PMJC en charge de la reprise de sa société placée en liquidation judiciaire.

PMJC a assigné en contrefaçon de marques et en concurrence déloyale le créateur au motif qu’il exerce une activité concurrente sous le patronyme CASTELBAJAC.

Ce dernier a sollicité, à titre reconventionnel, sur le fondement de l’art. L.714-6 du CPI, la déchéance pour déceptivité des marques JC DE CASTELBAJAC et JEAN-CHARLES DE CASTELBAJAC au motif que l’usage de ces marques par la société PMJC était de nature à persuader le consommateur que les produits acquis sous ces marques avaient été conçus sous sa direction artistique alors que cela n’est pas le cas.

La Cour d’appel lui donne raison et juge que l’usage trompeur est caractérisé.

Bien que la société PMJC soit régulièrement titulaire des marques en cause, plusieurs litiges antérieurs opposant les parties révèlent qu’elle tend à faire croire aux consommateurs que les produits vendus sous ces marques, ont été conçus sous la direction artistique de M. de CASTELBAJAC.

La déchéance des marques est prononcée à titre partiel, essentiellement pour les produits de cosmétiques, et d’habillement et certains services en lien avec la mode – les juges rappelant que la marque doit demeurer « un instrument loyal d’information du consommateur des produits et services visés à son enregistrement ».

S’agissant des actes de contrefaçon, la Cour considère qu’ils ne sont pas caractérisés :

– Conformément aux actes conclus avec la société PMJC, M. de CASTELBAJAC conserve la liberté d’utiliser son patronyme pour des activités dérogatoires sous réserve de ne pas exploiter les marques en cause,

– Ce même patronyme peut être utilisé à titre de dénomination sociale et de nom de domaine dès lors que les signes adoptés n’engendrent aucun risque de confusion avec les marques.

La Cour rejette également les demandes incriminant des pratiques dénigrantes et de détournement de clientèle qui auraient été commises par le créateur.

Décision rendue par la Cour d’appel de Paris, le 12 octobre 2022, n°20/11628

Absence de caractère distinctif – marques figuratives Philip Morris (TUE, 5 octobre 2022)

La société Philip Morris Products SA a effectué deux demandes d’enregistrement de marques figuratives auprès de l’EUIPO portant sur des signes constitués de lignes angulaires en noir et blanc, pour désigner des produits liés au tabac.

La validité de ces marques était débattue devant le tribunal de l’Union Européenne, pour défaut de caractère distinctif intrinsèque.

La requérante soutenait que les marques possèdent un caractère distinctif dans la mesure où elles ne sont ni d’une simplicité excessive, ni constituées d’une figure géométrique de base. Les signes seraient ainsi facilement mémorisables compte tenu de leur « originalité ».

Le TUE approuve la position de la chambre de recours de l’EUIPO et refuse l’enregistrement des deux marques.

Il rappelle qu’un signe d’une simplicité excessive et constitué d’une figure géométrique de base – par ex. un cercle, une ligne ou un rectangle – n’est en principe pas susceptible en tant que tel de transmettre un message dont les consommateurs peuvent se souvenir, à moins qu’il ait acquis un caractère distinctif par l’usage.

Pour autant est-il souligné, une marque n’est pas distinctive au seul motif qu’elle ne représente ni une figure géométrique de base, ni une forme excessivement simple. Encore faut-il qu’elle présente des aspects facilement et immédiatement mémorisables.

Or, les marques en question, considérées dans leur ensemble, ne représentent pas davantage que la somme des lignes qui la composent : ces lignes ne sont pas susceptibles de présenter des aspects ou de communiquer un message facilement et immédiatement mémorisables par le public pertinent.

Les marques seront donc perçues comme ayant une finalité décorative et non pour garantir une origine déterminée.

Leur enregistrement est rejeté pour l’intégralité des produits visés.
Ces décisions nous semblent dans le droit fil d’une jurisprudence européenne établie à l’égard de ce type de marques – esthétiques oui, distinctives non !

Décisions rendues par le Tribunal de l’Union Européenne, le 5 octobre 2022, n°T 501/21 et T 502/21

Joaillerie de luxe et reprise d’une collection de bijoux « Happy Diamonds » (Cour d’appel de Paris, 15 juin 2022)

Une société spécialisée dans la joaillerie de luxe a initié une action en contrefaçon à l’encontre d’un concurrent qui avait commercialisé une collection de bijoux « Dancing Diamonds ».

Elle lui reproche de porter atteinte aux droits d’auteur et de modèles enregistrés qu’elle détient sur des bijoux de sa collection « Happy Diamonds ».

Il est ici jugé que les bijoux revendiqués ne bénéficient ni de la protection par le droit d’auteur, faute d’originalité, ni de la protection par un modèle enregistré au sens de l’ancien article L. 511-3 du CPI.

Néanmoins, la Cour d’appel considère que les demandes en concurrence déloyale et parasitaire sont caractérisées.

Elle admet ainsi que la commercialisation d’une gamme de 11 bijoux très proches de ceux de la collection revendiquée, sous une marque évocatrice de cette collection peut être source de confusion pour le consommateur et caractérise des actes de concurrence déloyale.

Le parasitisme résulte de la captation des efforts de promotion consentis par la demanderesse pour la collection de sa gamme de bijoux « Happy Diamonds » – cette collection constituant une valeur économique individualisée importante.

Décision rendue par la Cour d’appel de Paris, le 15 juin 2022, RG n°18/21343

Benoliel Avocats à l’ECTA MILAN – intervention de Sylvie Benoliel-Claux sur l’application de l’arrêt Cofemel en droit français

Le dernier bulletin de la revue de l’ECTA revient sur l’évènement ECTA Retreat à Milan du 7 avril dernier auquel Sylvie Benoliel-Claux a eu l’honneur d’intervenir sur « Les conséquences en droit français de la jurisprudence européenne Cofemel » : The never-ending challenge of shape protection: design, trademark and copyright.

“Sylvie provided an overview of the Cofemel implementations by the French jurisdictions. Sylvie was particularly keen in describing some interesting decisions (concerning accessories, furniture and jewellery), showing in which cases originality was recognized, quoting or not Cofemel decision. The presentation ended with a precious list of ‘Do’s and Don’ts to keep in mind in order to assure originality of designs”.

Le bulletin est accessible via le lien suivant (pages 8 et 9): https://lnkd.in/eAFCdMcb

Catalogues chinois et dépôt fidéalis – appréciation de la connaissance des antériorités produites par les professionnels du secteur (CA Paris, 14 septembre 2022)

Une société ayant pour activité la distribution et la création de produits de souvenirs est titulaire de modèles français sur des porte-clés composés d’une Tour Eiffel revêtue d’accessoires.

Elle a initié une action en contrefaçon sur le fondement de deux de ses modèles et la nullité de ces derniers était reconventionnellement soulevée pour défaut de nouveauté et de caractère individuel.

Sur le 1er modèle, des antériorités identiques ou quasi-identiques divulguées et commercialisées depuis plusieurs années par des sociétés chinoises étaient produites.

Sur le fondement de l’article L. 511-6 du CPI, la demanderesse soutenait que ces antériorités ne pouvaient être raisonnablement connues par les professionnels du secteur et notamment par elle, qui n’avait jamais été destinataire des catalogues de ces sociétés.

La Cour ne suit pas cet argument et annule le modèle.

Les catalogues de sociétés chinoises corroborés par une attestation et des fiches techniques reproduisant les porte-clés en question justifient de cette divulgation antérieure.

Même si la demanderesse n’était pas cliente de ces sociétés, leurs catalogues – bien que rédigés en anglais – s’adressent à tous les opérateurs du secteur du marché des souvenirs, notamment d’Europe, qui se fournissent principalement en Chine et qui se tiennent informés des tendances.

La Cour rappelle que si une divulgation intervenue dans les 12 mois précédant le dépôt du modèle revendiqué ne doit pas être prise en considération, c’est à la condition que cette divulgation soit le fait du créateur ou qu’elle ait été faite suite à un comportement abusif à son égard.

Sur le 2nd modèle, la défenderesse produit en guise d’antériorité, un dépôt FIDEALIS qu’elle avait elle-même réalisé.

Ce dépôt est écarté par la Cour car aucun élément ne vient établir qu’il a été rendu accessible au public et qu’il a été raisonnablement connu des professionnels du secteur.

La validité du second modèle est reconnue – le jugement est infirmé sur ce point.

L’arrêt est intéressant, notamment au regard de l’art. L.511-6, mais il n’est pas sans susciter quelque inquiétude sur deux points :

𝟭𝗲𝗿 𝗽𝗼𝗶𝗻𝘁. On peut raisonnablement s’interroger sur la pertinence d’antériorités constituées de catalogues qui ‘surgissent’ seulement en cause d’appel et qui proviennent du fournisseur de la société poursuivie.

Ce fournisseur ne risque pas grand-chose car non attrait dans la cause.

On devrait donc être d’une exigence très forte aujourd’hui à l’égard de telles antériorités et montrer par exemple que ces catalogues ont été diffusés auprès de plusieurs opérateurs pour garantir leur authenticité.

Les moyens techniques pour réaliser un catalogue sont simples, nous le savons.

𝟮𝗲̀𝗺𝗲 𝗽𝗼𝗶𝗻𝘁. La condamnation globale – D&I au titre de la contrefaçon et article 700 – est faible et ne permet pas, probablement, de rembourser les frais du litige. La poursuite de la contrefaçon doit pourtant être encouragée…

Décision rendue par la Cour d’appel de Paris, le 14 septembre 2022 (RG n°19/07484)