Usage du signe KLEIN AU PARADIS – atteinte à la marque verbale et au nom patronymique Yves KLEIN (CA Paris, 6 janv. 2023, RG 21/03680)

Les ayants-droits de l’artiste Yves Klein, titulaires de marques patronymiques YVES KLEIN, ont assigné en contrefaçon et en parasitisme une société qui commercialisait un panneau mural panoramique intitulé « KLEIN AU PARADIS » tout en faisant usage des expressions « BLEU KLEIN » ou « KLEIN » pour identifier les coloris de références de tissus et papiers peints.

La Cour considère que les faits incriminés sont partiellement justifiés :

➡️ Les demandes en contrefaçon à l’encontre du signe KLEIN AU PARADIS sont reconnues – la présence en attaque du terme KLEIN a une place prépondérante et engendre des similitudes visuelles et phonétiques importantes avec les marques antérieures. Conceptuellement, les signes font référence à l’artiste célèbre.

L’utilisation de l’expression KLEIN AU PARADIS pour désigner un produit identique ou très fortement similaire à ceux visés par les marques crée dans l’esprit du public un risque de confusion quant à l’origine des produits.

A noter que les juges du fond avaient jugé le contraire, soutenant alors que le signe n’était pas exploité à titre de marque mais en tant que référence – l’ensemble des tableaux étant vendu sous la marque OXYMORE.

➡️ En revanche, les demandes parasitaires ayant trait à la reprise d’une citation de l’artiste et de la mention des coloris KLEIN ou BLEU KLEIN ne sont pas fondées. La défenderesse admet qu’elle a volontairement souhaité faire référence à l’artiste, mais les éléments repris sont uniquement le fruit du travail de ce dernier et non des ayants-droits parties à la procédure.

La preuve de la reprise d’une valeur économique individualisée n’est pas rapportée.

➡️ Enfin les juges admettent que l’exploitation du patronyme KLEIN, dans un cadre commercial et de manière injustifiée pour désigner des produits ou des couleurs en référence à l’artiste, porte atteinte à son nom patronymique et à celui de ses héritiers : « si le droit au nom est essentiellement attaché à la personne de son titulaire et s’éteint en principe avec le décès de celui-ci, il peut également présenter un caractère patrimonial qui permet d’en monnayer l’exploitation commerciale et se transmet aux héritiers » – « par ailleurs, les descendants d’une personne défunte sont ainsi en droit de protéger sa mémoire, sa réputation et sa pensée ».

Décision rendue par la Cour d’appel de Paris, 6 janvier 2023, RG 21/03680

Saga GIANT c. PIZZA GIANT SODEBO – appréciation des agissements parasitaires (CA Paris, 18 nov. 2022)

La société de fast food QUICK était titulaire de la marque GIANT dont la partie française a été annulée par la Cour d’appel de Paris, dans un arrêt du 3 juillet 2018.

Dans le cadre de ce litige, les tribunaux étaient saisis d’une action en contrefaçon de cette marque et en concurrence déloyale et parasitaire, au regard des utilisations réalisées par la société SODEBO de la marque PIZZA GIANT SODEBO.

A la suite d’un long contentieux, la Cour d’appel de renvoi vient de se prononcer sur les agissements parasitaires incriminés, non retenus par l’arrêt confirmatif de la Cour d’appel du 3 juillet 2018.

Cet arrêt avait été cassé par la Cour de cassation au regard de l’appréciation réalisée du parasitisme.

La Cour d’appel de renvoi suit la même position que celle adoptée en 2018 et déboute QUICK de ses demandes parasitaires :

➡️ QUICK fait état de campagnes publicitaires qui concernent l’ensemble des hamburgers commercialisés par l’enseigne et non uniquement ceux vendus sous la marque GIANT.

➡️ A supposer que la notoriété du hamburger GIANT soit démontrée, la demanderesse ne démontre pas en quoi la seule utilisation du terme GIANT accolé à celui de PIZZA et la précision à la marque SODEBO pour commercialiser des parts de pizzas vendues en supermarché et non des hamburgers de fast food, caractériseraient une intention fautive de se placer dans son sillage et de profiter indûment de ses investissements.

Hormis l’utilisation du terme GIANT, libre de droit, aucun fait ne caractérise donc un comportement parasitaire.

➡️ Aucun élément ne démontre que l’utilisation de ce terme évocateur pour promouvoir une part de pizza, plus grande que la norme, a un effet positif sur le consommateur par l’association avec le hamburger du même nom.

Décision rendue par la Cour d’appel de Paris, 18 novembre 2022, RG 21/09228

Prescription de l’action en nullité (OUI) – L 716-2-6 du CPI non applicable (CA Bordeaux, 25 oct. 2022)

Une demande en nullité portant sur la marque verbale CHATEAU LA ROSE, déposée le 4 juin 1986, a été formée devant l’INPI – cette demande a été rejetée.

La question de la prescription de cette demande était débattue devant la Cour d’appel de Bordeaux.

Le titulaire de la marque contestée soutenait que la demande en nullité était prescrite au regard de l’article 2224 du Code civil – selon lui, la prescription était acquise depuis le 19 juin 2013.

Le demandeur à l’action en nullité se prévalait au contraire du nouvel article L.716-2-6 du Code de la propriété intellectuelle issu de l’ordonnance n°2019-1169 du 13 novembre 2019 et de la loi PACTE qui ont pour effet de rendre imprescriptible l’action en nullité d’une marque et qui, selon l’article 124 III de ladite loi, sont applicables rétroactivement aux titres en vigueur au jour de la publication de celle-ci.

La Cour ne suit pas la position du demandeur. Elle juge que la demande en nullité est prescrite et par conséquent irrecevable.

Se fondant sur les articles 2 et 2222 du Code civil, elle relève que l’article L. 716-2-6 du CPI n’est pas applicable aux actions en nullité de marque dont la prescription était déjà acquise lors de l’entrée en vigueur de la loi PACTE du 24 mai 2019.

Elle précise qu’il convient d’appliquer ici le délai de prescription de droit commun prévu à l’article 2224 du Code civil et de rechercher en conséquence, le jour où le demandeur a eu connaissance ou aurait dû connaître les motifs de nullité allégués.

Le demandeur avait connaissance dès le 1er février 2000 des faits lui permettant d’engager une action en nullité de marque de sorte que la prescription était acquise depuis le 19 juin 2013.

Décision rendue par la Cour d’appel de Bordeaux, 25 octobre 2022, RG 21/04291

2023, nous voilà !

Le cabinet vous souhaite une excellente année et a hâte de vous retrouver !

Retrouvez ici notre carte de vœux.

 

Absence de risque de confusion et d’atteinte à la renommée de la marque ADIDAS aux trois bandes (CA Paris, 2 nov. 2022)

La société ADIDAS AG est titulaire de la marque de l’UE figurative portant sur trois bandes parallèles, apposées sur un pantalon ou un short.

Elle a assigné en contrefaçon une société au regard de la commercialisation de pantalons revêtus de deux bandes parallèles, compte tenu, selon elle, de l’existence d’un risque de confusion avec sa marque et de l’atteinte portée à sa renommée.

S’agissant des actes de contrefaçon par imitation, la Cour suit la position des premiers juges et écarte tout risque de confusion.

Bien que la marque revendiquée bénéficie « d’une distinctivité et d’une notoriété élevées, ancienne et persistante », il est jugé que les deux bandes contestées sont apposées « à titre de motif décoratif » sur le pantalon.

Elles s’inscrivent dans les tendances du marché et présentent des similitudes plutôt faibles avec la marque aux trois bandes.

Ces éléments créent pour le consommateur une perception distincte de celle d’équidistance que le public associe à la marque ADIDAS et excluent tout risque de confusion, le public concerné ne pouvant se méprendre sur l’origine des produits.

S’agissant de l’atteinte à la renommée, soulevée à titre subsidiaire, la Cour admet que le public associe les deux bandes litigieuses à la marque ADIDAS compte tenu de sa forte renommée, de sa distinctivité et de l’identité des produits en cause.

En dépit du risque de lien « avéré » entre le signe incriminé et la marque antérieure, l’atteinte n’est pas caractérisée dans la mesure où l’apposition de telles bandes résulte davantage des tendances du marché que d’une volonté de se placer dans le sillage de la marque ADIDAS. Aucune dilution ou dégradation de cette marque n’est davantage caractérisée.

Espérons que cette décision motivée, sévère à l’égard du titulaire de droits mais empreinte de très nombreuses références à plusieurs arrêts importants de la CJUE, sera déférée à la Cour de cassation afin de déterminer si les principes ont été parfaitement appliqués.

Décision rendue par la Cour d’appel de Paris, 2 nov. 2022, RG 20/18680

Saisies-contrefaçon en matière de droits d’auteur – nullité des opérations (CA Paris, 30 sept. 2022)

Une société spécialisée dans le conseil en merchandising a assigné en contrefaçon de ses droits d’auteur la société HARIBO, au regard de prototypes de bonbonnières en forme de citrouille réalisés pour Halloween.

Elle a fait réaliser, à cet effet, 7 saisies-contrefaçon dont la validité était contestée en défense.

La Cour d’appel annule la majorité de ces saisies, not. pour les raisons suivantes :

➡ Conformément au principe de loyauté dans l’administration de la preuve, un délai de deux minutes entre la présentation par l’huissier de l’ordonnance sur requête et les opérations de saisies-contrefaçon, est insuffisant.

L’huissier n’a pas permis à la société saisie de prendre connaissance des termes de l’ordonnance et d’en comprendre la portée.

➡ L’huissier a outrepassé ses pouvoirs en interrogeant les personnes présentes sur place. Il était effectivement autorisé à consigner les paroles énoncées au cours des opérations, mais devait s’abstenir de toute interpellation.

L’huissier qui n’était pas investi d’une mission d’enquête, ne pouvait donc procéder à de telles interrogations.

➡ L’huissier est strictement tenu par les termes de l’ordonnance et ne peut réaliser une saisie-contrefaçon dans les locaux d’une société dotée d’une personnalité morale distincte de la défenderesse et sans aucun lien avec cette dernière.

Cette interdiction a vocation à s’appliquer même si la société en question a la charge du stockage et du transport des produits critiqués – elle ne peut pour autant être considérée comme ‘dépendant’ de la défenderesse.

Cet arrêt ne bouscule pas la jurisprudence constante sur ces questions mais il est manifestement toujours essentiel de rappeler les fondamentaux.

En voici une bonne illustration.

Les saisies-contrefaçon sont la source d’un abondant contentieux récurrent et conditionnent généralement le succès de l’action sur le terrain de la preuve.

Décision rendue par la Cour d’appel de Paris, 30 septembre 2022, RG 21/00511

Marque déposée en fraude des droits d’un tiers (CA Paris, 5 octobre 2022)

Un animateur de télévision expose avoir créé le slogan « SORTEZ COUVERTS ! » – protégé à titre de marque – systématiquement prononcé à la fin de chacune de ses émissions pour sensibiliser les jeunes sur les méthodes de prévention du SIDA.

Il a assigné, en fraude de ses droits, une société à l’origine du dépôt d’une autre marque « SORTEZ COUVERTS ! » et de l’enregistrement de noms de domaine identiques.

La Cour d’appel confirme le jugement et admet que le dépôt a été réalisé dans des conditions frauduleuses, not. au regard des éléments suivants :

– Compte tenu des pièces produites – une volumineuse revue de presse établissant la notoriété du slogan et son utilisation – et de l’activité concurrente des parties, la défenderesse ne pouvait ignorer, au jour du dépôt litigieux, l’usage du signe antérieur.

– La connaissance par la défenderesse du slogan « SORTEZ COUVERTS ! » pour promouvoir des produits identiques, caractérise en soi « son intention patente de faire obstacle à l’exploitation du signe » par la demanderesse et donc sa mauvaise foi.

– Cette mauvaise foi est confirmée par le dépôt de la marque litigieuse dans un libellé exactement identique à celui du slogan et, concomitamment à ce dépôt, par la réservation de 15 noms de domaine reprenant l’expression litigieuse sous diverses formes.

Décision rendue par la Cour d’appel de Paris, 5 octobre 2022, RG 21/04997

Déchéance pour usage trompeur d’une marque patronymique – JC DE CASTELBAJAC (CA Paris, 12 octobre 2022)

Le créateur français, M. de Castelbajac a cédé les marques JC DE CASTELBAJAC et JEAN-CHARLES DE CASTELBAJAC à la société PMJC en charge de la reprise de sa société placée en liquidation judiciaire.

PMJC a assigné en contrefaçon de marques et en concurrence déloyale le créateur au motif qu’il exerce une activité concurrente sous le patronyme CASTELBAJAC.

Ce dernier a sollicité, à titre reconventionnel, sur le fondement de l’art. L.714-6 du CPI, la déchéance pour déceptivité des marques JC DE CASTELBAJAC et JEAN-CHARLES DE CASTELBAJAC au motif que l’usage de ces marques par la société PMJC était de nature à persuader le consommateur que les produits acquis sous ces marques avaient été conçus sous sa direction artistique alors que cela n’est pas le cas.

La Cour d’appel lui donne raison et juge que l’usage trompeur est caractérisé.

Bien que la société PMJC soit régulièrement titulaire des marques en cause, plusieurs litiges antérieurs opposant les parties révèlent qu’elle tend à faire croire aux consommateurs que les produits vendus sous ces marques, ont été conçus sous la direction artistique de M. de CASTELBAJAC.

La déchéance des marques est prononcée à titre partiel, essentiellement pour les produits de cosmétiques, et d’habillement et certains services en lien avec la mode – les juges rappelant que la marque doit demeurer « un instrument loyal d’information du consommateur des produits et services visés à son enregistrement ».

S’agissant des actes de contrefaçon, la Cour considère qu’ils ne sont pas caractérisés :

– Conformément aux actes conclus avec la société PMJC, M. de CASTELBAJAC conserve la liberté d’utiliser son patronyme pour des activités dérogatoires sous réserve de ne pas exploiter les marques en cause,

– Ce même patronyme peut être utilisé à titre de dénomination sociale et de nom de domaine dès lors que les signes adoptés n’engendrent aucun risque de confusion avec les marques.

La Cour rejette également les demandes incriminant des pratiques dénigrantes et de détournement de clientèle qui auraient été commises par le créateur.

Décision rendue par la Cour d’appel de Paris, le 12 octobre 2022, n°20/11628

Absence de caractère distinctif – marques figuratives Philip Morris (TUE, 5 octobre 2022)

La société Philip Morris Products SA a effectué deux demandes d’enregistrement de marques figuratives auprès de l’EUIPO portant sur des signes constitués de lignes angulaires en noir et blanc, pour désigner des produits liés au tabac.

La validité de ces marques était débattue devant le tribunal de l’Union Européenne, pour défaut de caractère distinctif intrinsèque.

La requérante soutenait que les marques possèdent un caractère distinctif dans la mesure où elles ne sont ni d’une simplicité excessive, ni constituées d’une figure géométrique de base. Les signes seraient ainsi facilement mémorisables compte tenu de leur « originalité ».

Le TUE approuve la position de la chambre de recours de l’EUIPO et refuse l’enregistrement des deux marques.

Il rappelle qu’un signe d’une simplicité excessive et constitué d’une figure géométrique de base – par ex. un cercle, une ligne ou un rectangle – n’est en principe pas susceptible en tant que tel de transmettre un message dont les consommateurs peuvent se souvenir, à moins qu’il ait acquis un caractère distinctif par l’usage.

Pour autant est-il souligné, une marque n’est pas distinctive au seul motif qu’elle ne représente ni une figure géométrique de base, ni une forme excessivement simple. Encore faut-il qu’elle présente des aspects facilement et immédiatement mémorisables.

Or, les marques en question, considérées dans leur ensemble, ne représentent pas davantage que la somme des lignes qui la composent : ces lignes ne sont pas susceptibles de présenter des aspects ou de communiquer un message facilement et immédiatement mémorisables par le public pertinent.

Les marques seront donc perçues comme ayant une finalité décorative et non pour garantir une origine déterminée.

Leur enregistrement est rejeté pour l’intégralité des produits visés.
Ces décisions nous semblent dans le droit fil d’une jurisprudence européenne établie à l’égard de ce type de marques – esthétiques oui, distinctives non !

Décisions rendues par le Tribunal de l’Union Européenne, le 5 octobre 2022, n°T 501/21 et T 502/21

Joaillerie de luxe et reprise d’une collection de bijoux « Happy Diamonds » (Cour d’appel de Paris, 15 juin 2022)

Une société spécialisée dans la joaillerie de luxe a initié une action en contrefaçon à l’encontre d’un concurrent qui avait commercialisé une collection de bijoux « Dancing Diamonds ».

Elle lui reproche de porter atteinte aux droits d’auteur et de modèles enregistrés qu’elle détient sur des bijoux de sa collection « Happy Diamonds ».

Il est ici jugé que les bijoux revendiqués ne bénéficient ni de la protection par le droit d’auteur, faute d’originalité, ni de la protection par un modèle enregistré au sens de l’ancien article L. 511-3 du CPI.

Néanmoins, la Cour d’appel considère que les demandes en concurrence déloyale et parasitaire sont caractérisées.

Elle admet ainsi que la commercialisation d’une gamme de 11 bijoux très proches de ceux de la collection revendiquée, sous une marque évocatrice de cette collection peut être source de confusion pour le consommateur et caractérise des actes de concurrence déloyale.

Le parasitisme résulte de la captation des efforts de promotion consentis par la demanderesse pour la collection de sa gamme de bijoux « Happy Diamonds » – cette collection constituant une valeur économique individualisée importante.

Décision rendue par la Cour d’appel de Paris, le 15 juin 2022, RG n°18/21343