Retrouvez le dernier newspaper du cabinet, accessible via le lien suivant. Avec une sélection de certains de nos posts récents et un focus sur l’année 2023 écoulée !
Très bonne lecture.
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Décision Cour d’appel de Paris, 10 novembre 2023, RG n°21/13168
Le média digital KONBINI a développé un concept d’émission « Fast & Curious » consistant en une interview vidéo de 2 minutes 30 secondes, durant laquelle une personnalité répond de manière rapide à une série de questions en choisissant entre deux propositions simples.
Elle a assigné le maire d’une municipalité pour des actes de parasitisme, à la suite de la diffusion sur la page Facebook officielle de sa campagne électorale, d’un clip semblable à son émission.
Selon KONBINI, le maire a profité indûment de ses investissements en se plaçant dans le sillage du programme « Fast & Curious » et plus particulièrement en se fondant sur un concept et une construction identiques, selon le même esprit et le même format tant dans sa durée que dans ses caractéristiques distinctives (plans visuels et sonores / reprise d’une partie du titre).
La Cour d’appel de Paris ne suit pas cette position pour les raisons suivantes :
▶ Par application du principe de la liberté du commerce, les développements de KONBINI consacrés à la reprise des caractéristiques du concept, du format ou de « l’esprit » de l’émission « Fast & Curious » sont indifférents à la solution du litige.
▶ De même, les arguments liés à l’originalité ou non du format de l’émission sont inopérants puisqu’aucun droit de propriété intellectuelle n’est opposé.
▶ Enfin, les preuves produites par KONBINI pour justifier de la valeur économique de son émission, ne permettent pas d’en établir la notoriété (page extraite du site internet, copies du compte Wikipédia ou du compte Facebook). Les autres documents relatifs « aux coûts de production » sont également écartés des débats notamment pour défaut de dates et d’origines certaines.
Les demandes en parasitisme sont donc rejetées, faute pour KONBINI de rapporter la preuve de la captation fautive de la valeur économique individualisée de son émission.
Cour d’appel de Paris, 10 novembre 2023, RG n°21/19126
La société CELINE a assigné la société MANGO pour des agissements parasitaires, du fait de la promotion et de la commercialisation de copies de plusieurs de ses produits (lunettes, maroquinerie, chaussures ou bijoux).
En défense, la société MANGO soutenait que la demanderesse se fonde sur une multiplication artificielle de modèles litigieux en invoquant un « suivisme récurrent » sans rapport avec un quelconque effet de gamme.
Elle ajoutait que la société CELINE n’établit pas l’existence d’une valeur économique individualisée pour chacun des produits en cause, cette valeur économique ne se présumant pas et résultant au contraire d’un savoir-faire, d’un travail intellectuel et d’investissements qui ne peut uniquement ressortir du caractère luxueux des produits ou de la renommée des directeurs artistiques employés. Au demeurant, elle soulignait que les produits sont banals.
La Cour ne suit pas cette position et condamne la société MANGO pour les raisons suivantes :
▶ Les pièces produites par la société CELINE démontrent que les produits revendiqués sont des produits phares qui bénéficient d’une certaine notoriété. Ils constituent ainsi des valeurs économiques individualisées même si les chiffres de vente pour chacun d’entre eux ne sont pas produits.
▶ La société MANGO a offert à la vente les produits incriminés, concomitamment à ceux de la société CELINE. Ces produits sont très inspirés et sont pour la plupart commercialisés peu après leur présentation lors d’un défilé ou leur lancement.
▶ Enfin les produits incriminés sont pour la plupart issus d’une même collection, caractérisant ainsi un effet de gamme.
Les juges en concluent que les reprises répétées de produits à succès ne peuvent être considérées comme fortuites. Elles tendent à générer une évocation des produits CELINE dans l’esprit du public et à profiter ainsi, sans bourse délier, de ses investissements et de la notoriété de ses produits.
Les dommages et intérêts sont évalués la somme de 2 000 000 euros, incluant un préjudice moral du fait de l’atteinte à la réputation et à l’image de la société CELINE fondée sur le luxe et l’exclusivité, les frais de procédure (article 700) à 40 000 euros.
On note que la Cour s’inspire, sur le préjudice, de la jurisprudence de la Cour de cassation : « Les pratiques déloyales consistant à reprendre les efforts et les investissements, intellectuels, matériels ou promotionnels d’un concurrent, qui ont un coût en ce qu’ils permettent à l’auteur de ces pratiques de s’épargner une dépense en principe obligatoire, induisent un avantage concurrentiel indu dont les effets, en termes de trouble économique, sont difficiles à quantifier avec les éléments de preuve disponibles ».
Cour de Cassation, 27 septembre 2023, n°22/13827
La demande d’enregistrement d’une marque tridimensionnelle en couleurs, représentant un serpentin de couleur jaune, pour désigner des fromages, a été rejetée par l’INPI pour défaut de caractère distinctif.
La Cour d’appel a confirmé la position de l’INPI.
En fondant l’analyse du caractère distinctif à la lumière des produits alimentaires tels que des rouleaux de réglisse ou des chewing-gums, la Cour a considéré que la marque tridimensionnelle contestée ne diverge pas de manière significative de la norme ou des habitudes du secteur et qu’elle est, de ce fait, insusceptible d’exercer la fonction essentielle d’indication d’origine.
Le déposant a formé un pourvoi à l’encontre de cet arrêt au motif notamment que cette analyse aurait dû être réalisée au regard des seuls fromages et non à la lumière de la catégorie très générale des produits alimentaires.
La Cour de cassation rejette le pourvoi et relève que la Cour d’appel a légalement justifié sa décision :
➡ L’appréciation de la distinctivité doit, au vu de la nature du produit, s’effectuer au regard de la norme et des habitudes du secteur. L’arrêt d’appel a donc, à bon droit, pris en considération le secteur des denrées alimentaires dont relèvent les fromages.
➡ Plusieurs produits alimentaires se présentent sous la forme d’un serpentin enroulé sur lui-même, en particulier des rouleaux de réglisse ou de chewing-gum mais aussi des préparations culinaires et pâtissières.
➡ Le consommateur moyen achète rapidement les fromages sans y prêter attention et, confronté à une grande variété de fromages aux formes parfois non conventionnelles, il considèrera un fromage présenté en spirale enroulé sur lui-même comme une nouvelle modalité de commercialisation du produit.
➡ En présence d’une telle diversité, la forme de la marque, même associée à la couleur jaune, ne peut remplir la fonction essentielle d’identification d’origine du produit.
Cour d’appel de Paris, 27 septembre 2023, n°21/12348
Un sculpteur a assigné en contrefaçon de ses droits d’auteur un architecte d’intérieur et sa société, au regard des usages réalisés de sa création, la lampe « Lyre ».
L’architecte avait commandé au sculpteur plusieurs modèles de cette lampe pour décorer un hôtel situé en Suisse. Le sculpteur lui reprochait d’avoir diffusé sur les réseaux sociaux, des photographies de cette lampe sans son autorisation, ni mention de son nom.
Les débats ont porté sur l’originalité de la lampe qui était caractérisée comme suit :
« L’association d’une structure arrondie en forme de harpe asymétrique, véritable sculpture fabriquée en plâtre puis laquée et peinte en différentes couleurs selon le modèle, coiffée par de petits abat-jours de forme et de matériaux traditionnels ».
L’auteur expose qu’il « a fabriqué la lampe Lyre afin de lui donner une allure souple, aérienne et sensuelle du fait de sa forme arrondie et qu’elle fasse ‘tour à tour penser à une amphore, une algue mouvante, des jambes déliées ou un poisson plongeant et dynamique par son asymétrie’, la lampe incarnant, de ce fait, tout à la fois le mouvement et la sérénité ».
➡ La Cour admet que la création est protégée :
▶ Le créateur définit de façon circonstanciée les contours de l’originalité qu’il allègue en explicitant clairement les choix auxquels il a procédé dans sa démarche de création.
▶ Il est parvenu à concilier les contraintes techniques propres à une lampe avec une représentation toute personnelle de l’instrument de musique donnant à l’ensemble des courbes sensuelles et généreuses.
Quant aux actes de contrefaçon, la défenderesse se prévalait de la théorie jurisprudentielle de l’accessoire, aux termes de laquelle une œuvre peut être licitement exploitée si elle figure en arrière-plan et n’est pas présentée en tant que sujet principal (Cass. 15 mars 2005, n°03/14820 ; Cass. 12 mai 2011, n°08/20651).
Elle soutenait que la lampe est représentée accessoirement en ce qu’elle n’est ni l’objet, ni l’objectif de la communication en cause et qu’en toute hypothèse, elle n’est pas la lampe initiale telle que fabriquée par le sculpteur mais une adaptation qui avait été réalisée à la demande de l’architecte.
➡ La Cour ne suit pas cette position et condamne les actes de contrefaçon :
▶ La présence de la lampe sur les photographies litigieuses résulte d’un choix délibéré dès lors que le mannequin se met en scène avec elle : si cette lampe est parfois reléguée au 2d plan, elle reste très visible dans toutes ses caractéristiques et mise en évidence au regard des lumières et des couleurs.
▶ Les adaptations réalisées de la lampe ne confèrent pas de droits à l’architecte, ni même ne l’autorisent à publier des photographies sans mention du nom de l’auteur.
▶ Ces atteintes sont renforcées car les photographies laissent penser que l’architecte est le créateur de la lampe Lyre – les juges relèvent que l’architecte et le sculpteur sont tous deux très connus dans leur secteur d’activité respectif.
EUIPO, chambre de recours, 13 septembre 2023, R 275/2023-4
Une société a procédé au dépôt d’une marque figurative représentant une arme à feu.
Cette marque était destinée à être exploitée dans le Métavers et avait été déposée en classes 9, 35 et 41 pour désigner notamment des produits virtuels téléchargeables, des services de boutiques en ligne dédiées aux biens virtuels à savoir les armes à feu virtuelles, les services de divertissement fournissant des armes à feu virtuelles en ligne.
L’enregistrement de la marque a été rejeté pour défaut de distinctivité par l’Office, position confirmée par la chambre de recours.
Les examinateurs se sont notamment intéressés au degré d’attention du consommateur moyen visé par les produits/services désignés dans le dépôt, dès lors que lesdits produits et services sont destinés au monde virtuel.
Contrairement à ce qui était invoqué par le déposant, la chambre de recours a confirmé que le consommateur moyen est doté d’une attention moyenne à élevée : en effet, il ne s’agit pas que de professionnels ou de passionnés, mais également d’utilisateurs des plateformes virtuelles et des expériences en ligne qui ne sont pas nécessairement des spécialistes.
Il est précisé que si les armes à feu physiques s’adressent à une clientèle plus réduite compte tenu des restrictions liées à leur commercialisation (l’âge de l’utilisateur par exemple), ces restrictions ne s’appliquent pas nécessairement dans le monde virtuel où les produits restent plus largement accessibles.
S’agissant de l’absence de distinctivité :
▶ Si la marque présente un élément verbal « CZ BREN », cet élément reste insignifiant dans le cadre d’une appréciation d’ensemble du signe en question. Une proportion importante du public ne sera effectivement pas en mesure de l’identifier aisément.
▶ Quant à l’élément figuratif reproduisant l’arme à feu, le déposant soutenait qu’il s’agit d’une arme aisément identifiable et ainsi susceptible de garantir une provenance d’origine. Les examinateurs ne suivent pas cette position au motif que la marque ne s’écarte pas de manière significative de « normes et usages du secteur de marché concerné » et contient tous les éléments que les consommateurs peuvent s’attendre d’une arme à feu classique.
Si le visuel de l’arme représente des détails et caractéristiques particulières, ils ne restent pas suffisamment inhabituels pour que le consommateur soit à même – sans effort – de comprendre que cette marque s’écarte de la représentation typique d’une marque.
➡ Nous relevons que les examinateurs n’ont pas soulevé le caractère illicite de la marque au motif qu’elle serait contraire à l’ordre public.
A noter enfin que l’office européen a déjà refusé l’enregistrement de marques figuratives reproduisant des armes à feu – destinées à des produits et/ou services physiques et non virtuels – pour ce même défaut de caractère distinctif – voir par exemple le dépôt n°008299075.
Cour de Cassation, 6 septembre 2023, RG 20/16680
La société titulaire des marques verbale et semi-figurative « RECHERCHE APPARTEMENT OU MAISON » a initié une action en référé-interdiction à l’encontre de la société Recherche Maison & Appartement pour obtenir à son encontre des mesures d’interdiction de ce signe, utilisé à titre de nom commercial et de nom de domaine.
Ses demandes ont été rejetées par le tribunal puis par la cour d’appel de Lyon au motif que la vraisemblance de l’atteinte n’est pas caractérisée.
Selon les juges du fond, le changement de place des mots « appartement » et « maison » ainsi que la suppression de la conjonction « ou » ne permettent pas de conclure à l’existence d’une contrefaçon par reproduction et les différences perceptibles au niveau auditif et visuel ne peuvent passer inaperçues aux yeux du consommateur moyen.
La Cour de Cassation casse et annule l’arrêt.
▶ En se fondant sur les dispositions des articles L. 713-3, L. 716-1 et L. 716-6 (dans leur version antérieure à celle issue de l’ordonnance du 13 novembre 2019), elle rappelle :
« qu’est interdite, sauf autorisation du propriétaire, s’il peut en résulter un risque de confusion, l’imitation d’une marque pour des produits ou services identiques à ceux désignés dans l’enregistrement et que ce risque de confusion doit s’apprécier globalement, par référence au contenu des enregistrements des marques, vis-à-vis du consommateur des produits tels que désignés par ces enregistrements ».
▶ Elle juge en conséquence qu’« en se déterminant ainsi, sans rechercher concrètement et au terme d’une appréciation globale si la ressemblance existant entre les signes en présence associant trois mots identiques, ainsi que la similitude des services proposés, ne créent pas un risque de confusion pour un consommateur d’attention moyenne, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision. »
➡ La Cour de cassation rappelle une nouvelle fois la nécessité de procéder à une appréciation globale du risque de confusion, évaluation à laquelle il convient de se plier même en référé.
On notera que la question de la distinctivité des signes revendiqués n’est apparemment pas débattue, du moins dans le cadre de cette procédure d’urgence.
EUIPO, 15 juin 2023, RG 22.318/08.06.2022
Une marque sonore composée de la célèbre comptine « Johnny, Johnny, Yes Papa » a été déposée auprès de d’EUIPO.
La validité pour défaut de caractère distinctif de cette marque était discutée – l’Office rejette la demande d’enregistrement.
Il rappelle qu’une marque sonore dépend, comme pour les autres types de marques, de la perception du signe par le public concerné – le son déposé doit avoir une certaine résonance de nature à permettre au consommateur cible de le considérer comme un signe distinctif.
Ici, les conditions ne sont pas réunies :
➡ La marque dure 39 secondes. Bien que le RMUE soit silencieux sur la longueur d’une marque sonore, les « directives d’examen de l’EUIPO précisent les types de marques sonores qui ne sont pas susceptibles d’être acceptées sans preuve du caractère distinctif, y compris les sons qui sont trop longs pour être considérés comme une indication d’origine ».
➡ Le signe ne contient pas une mélodie aisément et rapidement identifiable dans la mesure où « il commence par un motif simple et répétitif, qui est ensuite accompagné de quelques tonalités et sons de base, typiques de la musique jouée dans les dessins animés, les films ou les chansons avec des paroles pour bébés ou pour enfants ».
➡ La marque n’identifie pas l’origine des produits ou des services offerts à la vente – elle contient plusieurs phrases tirées d’une chanson très populaire et dont il existe de nombreuses versions et vidéos sur internet. Une marque sonore ne sera pas considérée comme distinctive si elle est constituée d’éléments verbaux non distinctifs, descriptifs ou génériques prononcés de manière claire et sans éléments sonores frappants ou inhabituels.
➡ Enfin, les pièces produites par le déposant ne justifient pas d’une acquisition du caractère distinctif par l’usage.
La décision est récente, elle fera peut-être l’objet d’une suite devant la chambre de recours de l’office.
Tribunal judiciaire de Paris, 9 juin 2023, RG 20/06038
Un auteur reprochait aux sociétés de production de la série Narcos d’avoir exploité l’œuvre « Ballade pour Adeline » qu’il a composée pour illustrer une scène de meurtre aux motifs notamment que cet usage ne respectait pas l’esprit de l’œuvre et qu’il n’était pas cité dans le générique de l’épisode litigieux.
Les juges rejettent ses demandes fondées sur l’atteinte au respect de l’œuvre :
▶ L’usage d’une œuvre pour illustrer de la violence n’est en soi illicite que si l’esprit de l’œuvre y est incompatible.
Si la musique originale fait preuve de légèreté et avait été dédicacée à la fille de l’auteur, ces éléments ne démontrent pas nécessairement que son usage soit limité à une interprétation pour des enfants ou pour illustrer « l’amour » et la « tendresse ».
▶ Les juges relèvent par ailleurs, que l’auteur avait précédemment autorisé que son œuvre soit exploitée pour illustrer de la violence (pour d’autres productions audiovisuelles par exemple).
Ils soulignent que « l’œuvre a été conçue, ou du moins a évolué avec l’accord de l’auteur, dans un esprit qui n’est pas exclusivement la tendresse, l’amour ou la pureté, et qui n’interdit pas par principe l’association avec la représentation choquante de la violence ».
▶ En outre, dans l’épisode contesté de la série Narcos, l’œuvre était détachée des scènes contestées car elle débutait avant que ces scènes ne basculent dans l’horreur.
➡ En revanche, l’atteinte au droit de paternité est caractérisée : le tribunal relève que ni l’œuvre, ni son auteur ne sont mentionnés au générique. Les sociétés de production se contentent d’alléguer qu’il s’agit d’un usage en matière de séries télévisées sans l’étayer par aucune explication, ni preuve.
➡ Sur le préjudice, le tribunal relève que le droit moral de l’auteur n’est pas un droit de la personnalité et le dommage causé par l’atteinte au droit d’un auteur au respect de son nom et de sa qualité se manifeste concrètement en chaque lieu où des personnes accèdent à la reproduction ou la représentation litigieuse de son œuvre.
Le domaine de compétence du tribunal s’étend donc seulement à la diffusion en France de l’épisode litigieux.
𝗔 𝗻𝗼𝘁𝗲𝗿 : Le tribunal alloue à l’auteur la seule somme de 1000 € en réparation de son préjudice et condamnation de ce même auteur à verser 4000 € à l’un des producteurs au titre de l’article 700.
Cour d’appel de Paris, 30 juin 2023, RG 21/13981
Un salarié de la société IKKS Prestations revendiquait des droits d’auteur sur 143 photographies qu’il avait réalisées dans le cadre de son travail, en dehors de sa mission initiale de graphiste textile.
Il reprochait à son employeur d’avoir exploité ces photographies pour les besoins de sa communication, sans autorisation préalable, ni rémunération complémentaire au titre de la cession de ses droits d’auteur.
La titularité des droits d’auteur du salarié était discutée au motif que les photographies revendiquées forment une œuvre collective, réalisée sous l’initiative de la société IKKS Prestations.
La Cour d’appel suit cette position et juge irrecevables les demandes du salarié.
Elle rappelle que doivent être qualifiées d’œuvres collectives, « les œuvres procédant d’un travail collectif associant différentes personnes, lorsque la personne morale avait le pouvoir d’initiative sur les créations et en contrôlait le processus jusqu’au produit finalisé en fournissant des directives et des instructions afin d’harmoniser les différentes contributions, celles-ci se fondant dans l’ensemble en vue duquel elles étaient conçues, sans qu’il soit possible d’attribuer à chaque intervenant un droit distinct sur les œuvres réalisées ».
Elle relève ici :
➡ L’ensemble des photographies ont été divulguées par la société IKKS Prestations sous son nom et ont été exploitées par les différentes entités IKKS.
➡ IKKS Prestations a pris l’initiative des différents shootings.
➡ Si différentes attestations sont produites venant soutenir que le salarié est l’auteur des photographies revendiquées, il appartient à ce dernier de démontrer pour chacune desdites photographies, qu’il a maîtrisé le processus de création sans être assujetti à la direction et au contrôle de son employeur.
En l’espèce, les différentes pièces produites démontrent davantage que le salarié répondait aux instructions précises de la société IKKS par la sélection de photographies ou des prestations de retouches sans avoir réellement de marge de manœuvre sur le processus de création.
Sa contribution procédait d’un travail collectif dont son employeur avait l’initiative et le contrôle.
Cette décision peut être rapprochée d’un précédent arrêt rendu par la même Cour d’appel dans une affaire opposant la société Comptoir des Cotonniers à l’un de ses salariés, relative aux dessins artistiques d’une basket iconique. L’œuvre collective avait été pareillement caractérisée et les demandes en contrefaçon du salarié jugée irrecevables. (CA Paris, 5 mars 2021, n° 19/17254)