Recours en réformation à l’encontre d’une décision de l’INPI portant sur la nullité d’une marque – Possibilité de produire de nouvelles pièces en appel – CA Nancy, 13 décembre 2021, RG n°21/00757

Les décisions en nullité et en déchéance de marque rendues par l’INPI, introduites depuis le 1er avril 2020, sont susceptibles de recours dits « en réformation » devant la Cour d’Appel. Selon l’article R.411-19 du Code de la propriété intellectuelle, « Ils défèrent à la cour la connaissance de l’entier litige ». Les Parties peuvent ainsi produire de nouvelles pièces, proposer de nouvelles preuves, invoquer des moyens nouveaux (R.411-38 du CPI).

Grâce à l’effet dévolutif attaché à son recours, la société AUTHENTIK IMMO dont la demande de nullité de marque avait été rejetée par l’INPI, a pu produire de nouvelles pièces au soutien de son recours devant la Cour d’Appel et justifier de la réalité de ses droits antérieurs constitués de sa dénomination sociale et de son nom de domaine.

La Cour d’appel a conclu à l’existence d’un risque de confusion entre les signes. Ce faisant, la requérante a obtenu la nullité partielle de la marque AUTHENTIK IMMO, ce qui lui avait été refusé devant l’INPI faute de preuves suffisantes. C’est à notre connaissance le premier arrêt qui fait application du principe d’effet dévolutif des recours.

Meilleurs voeux 2024

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Absence de distinctivité de la marque sonore portant sur le ‘pshitt’ émis par une canette de boisson gazeuse – TUE, 7 juillet 2021, T-668/19

Le Tribunal rejette le recours contre la décision de l’EUIPO ayant refusé d’enregistrer, pour défaut de distinctivité, une marque sonore se composant du son « qui se produit à l’ouverture d’une canette de boisson, suivi d’un silence d’environ une seconde et d’un pétillement d’environ neuf secondes », déposée par la société Ardagh Metal Beverage Holdings GmbH & Co. KG, spécialisée dans la commercialisation de canettes métalliques.

D’une part, le son émis lors de l’ouverture d’une canette sera considéré, eu égard au type de produits, comme un élément purement technique et fonctionnel, intrinsèque à la manipulation de boissons.

D’autre part, les éléments sonores et le silence, pris dans leur ensemble, ne possèdent aucune caractéristique intrinsèque leur permettant d’être perçus par le public pertinent comme étant une indication de l’origine commerciale des produits. Ils ne sont pas assez prégnants pour se distinguer de sons comparables dans le domaine des boissons qu’elles soient gazeuses ou non.

Cette décision peut être marquée d’une pierre blanche : c’est la première fois que le Tribunal se prononce sur l’enregistrement d’une marque sonore.

Le déposant peut toujours se référer aux Guidelines de l’EUIPO (CP 11) avant d’envisager de déposer un nouveau type de marque (sans représentation graphique) : https://lnkd.in/d39xWve

Marque « Cité du cinéma » et dépôt de mauvaise foi – CA Paris, 16 mars 2021, RG n°19/07915

La frise ci-jointe, parle d’elle-même. Deux opérateurs s’affrontent autour du signe « LA CITE DU CINEMA ». Ce signe est-il contrefait par les opérateurs seconds (la soc. FRONT LINE et l’association ECOLE DE LA CITE) ou s’agit-il d’un dépôt frauduleux effectué par l’opérateur premier (l’association LE CINEMA S’EXPOSE) ?

Dépôt frauduleux répond la Cour d’appel, selon son arrêt confirmatif. L’analyse des pièces lui permet de conclure qu’il existe des « éléments précis et concordants » pour démontrer que depuis 2003, l’expression LA CITE DU CINEMA désigne un projet de grande ampleur porté par Luc BESSON et sa société, ayant nécessité de lourds investissements, ce que l’autre partie ne pouvait ignorer.

La Cour d’appel qui rappelle justement que la fraude s’apprécie selon tous les facteurs pertinents, prend soin de se pencher sur la date du dépôt premier pour relever qu’il est intervenu juste après l’annonce officielle de la concrétisation du projet de Luc BESSON. Elle s’attache enfin aux circonstances entourant ledit dépôt pour se convaincre de la fraude destinée à priver les intimées d’un signe nécessaire à leur activité et qu’elles utilisaient déjà largement pour désigner leur futur studio de cinéma.

La fraude entraîne :
– la nullité de la marque du 16 juin 2009,
– le rejet des demandes en contrefaçon formées à l’encontre des marques et noms de domaine LA CITE DU CINEMA / ECOLE DE LA CITE
– et elle dispense la Cour d’appel d’examiner la déchéance de la marque du 16 juin 2009 qui était soulevée à titre subsidiaire.

Risque de confusion – appréciation de la renommée et du caractère distinctif de la marque antérieure – CJUE, 11 juin 2020, C115/19P

Afin d’apprécier l’existence d’un risque de confusion entre une marque antérieure et un signe postérieur, la CJUE énonce que :

– La renommée et le degré de distinctivité ne doivent pas être pris en compte lors de la comparaison des signes mais ne sont des facteurs pertinents qu’au stade de l’appréciation globale du risque de confusion, une fois la comparaison des signes et des produits/services réalisée.

La Cour sanctionne ainsi l’analyse opérée par le TUE qui avait admis que la renommée et le caractère distinctif élevé d’une marque peuvent être pertinents pour identifier, lors de la comparaison des signes, les éléments dominants de cette marque.

– La renommée et le degré de distinctivité s’apprécient au regard de l’ensemble des produits et services visés par l’enregistrement et de la perception présumée des milieux intéressés.

La Cour considère que le TUE n’aurait pas dû se borner à constater l’existence de la renommée de la marque antérieure dans la sous-catégorie précise des services permettant de réaliser des transactions par carte bancaire, mais aurait dû l’apprécier au regard du spectre plus large des services désignés, « affaires financières », « affaires monétaires » et « affaires bancaires ».

La Cour annule donc les décisions intervenues (TUE et EUIPO)