Marque TOUR DE FRANCE A LA RAME / Cassation de l’arrêt ayant rejeté les demandes fondées sur l’atteinte à la renommée de la marque TOUR DE FRANCE

Cour de cassation, 19 mars 2025, RG 23 / 18728

La Société du Tour de France, titulaire de la marque « Tour de France » enregistrée en 1977 pour désigner notamment les services de « divertissements » ou « d’organisation d’épreuves sportives » poursuit, aux côtés de sa licenciée A.S.O, dans le cadre d’un contentieux ancien et très connu des praticiens, le fondateur d’une association visant à promouvoir la pratique d’activités sportives. Elles sollicitent la nullité de la marque semi-figurative « Tour de France à la rame » sur le fondement de l’atteinte à la renommée de la marque première.

La Cour de cassation, par un arrêt publié au Bulletin, censure l’arrêt d’appel sur l’appréciation de la renommée.

Ce que l’on en retient :

➡️ Sur la renommée et le public concerné : la marque « Tour de France » désigne un évènement sportif ayant lieu chaque année sans interruption, qui bénéficie d’une retransmission télévisuelle sur les chaînes publiques avec des audiences très élevées et qui est qualifié de « troisième évènement sportif mondial ». La renommée de cette marque est d’une intensité telle qu’elle est connue de la totalité du public français. La renommée ne saurait donc se cantonner au public concerné par les produits ou services pour lesquels cette renommée a été acquise.

➡️ Sur la similitude des signes : pour conclure à l’existence de différences conceptuelles, c’est à tort que la Cour d’appel a pris en compte les conditions d’exploitation de la marque « Tour de France » et considéré qu’elle est renommée pour une course cycliste, alors que la comparaison doit s’opérer eu égard aux seules qualités intrinsèques des signes en conflit.

➡️ Sur le risque de « dilution » : les demanderesses n’ont pas cherché à interdire l’usage de l’expression Tour de Francedans son acception usuelle, mais à obtenir l’annulation de la marque « Tour de France à la rame » et à en interdire l’usage en tant que marque. Il aurait dû être recherché si cet usage n’exposait pas la marque « Tour de France » à un risque de « brouillage » en affaiblissant le rattachement opéré par le public et les médias avec cette marque et en les laissant penser que ces termes sont génériques, affectant ainsi son caractère distinctif propre et sa fonction d’origine essentielle.

𝐋’œ𝐢𝐥 𝐝𝐞 𝐁𝐀 : il est bienvenu de rappeler, selon la jp de la CJUE, que certaines marques peuvent avoir acquis une renommée telle qu’elle va au-delà du public concerné par les produits ou services pour lesquelles elles sont enregistrées.
Tout aussi important de rappeler qu’une marque de renommée peut souffrir d’un brouillage (dilution ou grignotage) qui affectera sa fonction d’identification d’origine.
Renvoi de l’affaire devant la Cour d’appel de Paris, autrement composée.