Déchéance totale de la marque Lacoste (non) / Exploitation du crocodile sous un autre angle / Usage modifié n’en altérant pas le caractère distinctif

Cour d’appel de Paris, 26 avril 2024, n°23/04609

La déchéance d’une marque semi-figurative française de la société Lacoste, représentant un crocodile avec la tête tournée vers la gauche, déposée le 19 octobre 1994, était demandée par une société de droit chinois.

L’INPI avait admis sa déchéance pour de nombreux produits/services. La marque avait en revanche été sauvée pour les produits/services liés à l’habillement, aux accessoires et aux cosmétiques.

Devant la Cour, la déchéance totale de la marque était sollicitée, y compris pour ces produits/services.

Elle soutenait not. qu’il s’agissait d’une marque ‘défensive’ dont le dépôt caractérise une stratégie d’obstruction de la concurrence. Elle ajoutait que la société Lacoste exploite désormais le crocodile sous un autre angle, notamment la tête tournée vers la droite et que ces utilisations constituent des usages modifiés altérant le caractère distinctif de la marque attaquée.

La Cour d’appel de Paris confirme la décision de l’INPI :

➡ Elle rappelle qu’est inopérant le fait que le signe désormais exploité par la société Lacoste, ait fait l’objet d’enregistrements de marque distincts. Est également inopérant le fait que certains dépôts de la société Lacoste aient été annulés pour mauvaise foi.

➡ De nombreux éléments démontrent que la société Lacoste a fait usage d’un signe représentant un crocodile de profil la tête tournée vers la droite, ce signe étant utilisé seul ou accompagné d’éléments verbaux principalement la dénomination LACOSTE.

➡ La représentation du crocodile, si elle emprunte à la nature, n’en demeure pas moins distinctive eu égard aux produits de beauté, d’habillement, d’horlogerie, d’optique et de lunetterie, de maroquinerie, linge de maison ou articles de sport et services de mécénat. Cette figuration d’un saurien présente des caractéristiques particulières notamment la queue relevée de l’animal, ce qui n’est pas usuel dans le domaine considéré.

La Cour souligne que ce caractère distinctif est renforcé par la connaissance du signe par un large public.

➡ La société Lacoste rapporte la preuve de l’usage d’un signe très proche de celui de la marque contestée : un crocodile de profil droit, avec une patte avant et une patte arrière visibles, la gueule ouverte, la queue relevée au-dessus du dos et tachetée de points comme le dos pour représenter les écailles. Le fait que ce signe figure sous un autre profil n’en altère pas le caractère distinctif, celui-ci étant aisément identifiable et mis en valeur.

L’association du signe verbal LACOSTE ne saurait non plus être critiquée, plusieurs marques pouvant être apposées sur un même produit, chacune conservant sa fonction de garantie de provenance.

➡ Le signe exploité par la société Lacoste garantit au consommateur l’identité d’origine des produits et services. Il en va de même de sa représentation dans d’autres couleurs telles le rouge ou le vert qui ne fait pas disparaître les caractéristiques essentielles du crocodile, celui-ci conservant ses éléments distinctifs.