L’USAGE SERIEUX D’UNE MARQUE DESIGNANT DU PAIN

(Cass. com. 16 fév. 2016)

 Le titulaire de la marque   enregistrée not. pour désigner les « pain » et services « de boulangerie » attaque en contrefaçon, concurrence déloyale et parasitaire son concurrent qui désigne son pain précuit surgelé par la dénomination ‘FUSETTE’.

 Le Tribunal de grande instance de Paris prononce la déchéance de la marque invoquée pour désigner les pains et services de boulangerie, sollicitée à titre reconventionnel par le défendeur.

 Devant la Cour d’appel, le titulaire de la marque déchue avance :

  •  que chaque produit qu’elle commercialise est vendu dans une feuille de papier de soie comportant la représentation de la marque semi-figurative et/ou dans un sac en plastique ou un sac à pain en tissu comportant la représentation de la marque,
  •  que la marque est représentée sur la façade de la boulangerie, sur les documents promotionnels et publicitaires.

 Il produit notamment des tickets de caisse, des extraits publicitaires, des factures accompagnées d’un modèle de sac à pain.


En substance, l’arrêt (CA Paris, 17 janv. 2014 – RG n°12/22114) confirme la déchéance en ce que :

  • les pièces versées ne sont pas datées ou ne comportent pas de date certaine,
  • le terme LA FUETTE est reproduit sans son élément figuratif ou associé à d’autres termes de sorte que son pouvoir distinctif en tant que marque est altéré,
  • les documents versés désignent le magasin et non spécifiquement le pain : il s’agit principalement d’un usage à titre de dénomination sociale et de nom commercial et non d’un usage à titre de marque.

 La Cour de cassation (16 fév. 2016 – RG n°14-15.144), après avoir rappelé que « l’appréciation du caractère sérieux de l’usage de la marque doit reposer sur l’ensemble des faits et des circonstances propres à établir la réalité de l’exploitation commerciale de celle-ci », casse l’arrêt de la Cour d’appel not. pour défaut de base légale :

  • la marque ne pouvant être apposée sur les pains fabriqués en boulangerie, la cour d’appel aurait dû rechercher si son exploitation ne pouvait être démontrée par la production de supports commerciaux et publicitaires accompagnant la commercialisation du produit. La Cour suprême précise que le juge d’appel aurait dû tenir compte de la nature des produits/services et des caractéristiques du marché considéré.
  • la cour d’appel aurait dû rechercher si l’élément verbal LA FUETTE n’était pas l’élément distinctif et dominant du signe et déterminer si l’exploitation sans élément figuratif ne constituait pas une exploitation sous une forme modifiée n’en altérant pas le caractère distinctif.

 Le titulaire ne pouvait apposer sa marque sur le pain – produit comestible qu’il offre sans conditionnement – et dans ce contexte, l’usage sérieux au sens de l’article L.714-5 peut être caractérisé par la reproduction du signe sur les éléments matérialisant l’existence du produit offert tels que ses supports commerciaux et publicitaires.

Cet arrêt de cassation partielle a le mérite de rappeler que les Tribunaux doivent tenir compte tant de la nature des produits et services visés que des caractéristiques du marché considéré.

 La preuve de l’usage réel et sérieux à titre de marque peut être rapportée par l’exploitation de la marque sous la forme sous laquelle elle a été enregistrée ou qui en diffère si cette différence n’en altère pas le caractère distinctif.

 L’on ajoutera que chacun des éléments de preuve d’usage peut contenir des informations quant au lieu, à la durée, à la nature et/ou à l’importance de l’usage en cause et pourrait, isolément considéré, ne pas être à même d’apporter la preuve de l’usage sérieux qui résulterait pourtant de l’appréciation d’ensemble de tous les éléments versés au dossier (v. TUE 27 février 2014, Advance Magazine Publishers, Inc., c/ OHMI, T-37/12, pt.36 ; CA Paris, 28 fév. 2014, n°12/17880 qui rappelle que l’appréciation du caractère sérieux de l’usage d’une marque implique de combiner entre elles les pièces communiquées par le titulaire).