Rejet pour défaut de distinctivité de l’enregistrement d’une marque reproduisant une arme à feu, désignant des produits et services virtuels (métavers)

EUIPO, chambre de recours, 13 septembre 2023, R 275/2023-4

Une société a procédé au dépôt d’une marque figurative représentant une arme à feu.

Cette marque était destinée à être exploitée dans le Métavers et avait été déposée en classes 9, 35 et 41 pour désigner notamment des produits virtuels téléchargeables, des services de boutiques en ligne dédiées aux biens virtuels à savoir les armes à feu virtuelles, les services de divertissement fournissant des armes à feu virtuelles en ligne.

L’enregistrement de la marque a été rejeté pour défaut de distinctivité par l’Office, position confirmée par la chambre de recours.

Les examinateurs se sont notamment intéressés au degré d’attention du consommateur moyen visé par les produits/services désignés dans le dépôt, dès lors que lesdits produits et services sont destinés au monde virtuel.

Contrairement à ce qui était invoqué par le déposant, la chambre de recours a confirmé que le consommateur moyen est doté d’une attention moyenne à élevée : en effet, il ne s’agit pas que de professionnels ou de passionnés, mais également d’utilisateurs des plateformes virtuelles et des expériences en ligne qui ne sont pas nécessairement des spécialistes.

Il est précisé que si les armes à feu physiques s’adressent à une clientèle plus réduite compte tenu des restrictions liées à leur commercialisation (l’âge de l’utilisateur par exemple), ces restrictions ne s’appliquent pas nécessairement dans le monde virtuel où les produits restent plus largement accessibles.

S’agissant de l’absence de distinctivité :

▶ Si la marque présente un élément verbal « CZ BREN », cet élément reste insignifiant dans le cadre d’une appréciation d’ensemble du signe en question. Une proportion importante du public ne sera effectivement pas en mesure de l’identifier aisément.

▶ Quant à l’élément figuratif reproduisant l’arme à feu, le déposant soutenait qu’il s’agit d’une arme aisément identifiable et ainsi susceptible de garantir une provenance d’origine. Les examinateurs ne suivent pas cette position au motif que la marque ne s’écarte pas de manière significative de « normes et usages du secteur de marché concerné » et contient tous les éléments que les consommateurs peuvent s’attendre d’une arme à feu classique.

Si le visuel de l’arme représente des détails et caractéristiques particulières, ils ne restent pas suffisamment inhabituels pour que le consommateur soit à même – sans effort – de comprendre que cette marque s’écarte de la représentation typique d’une marque.

➡ Nous relevons que les examinateurs n’ont pas soulevé le caractère illicite de la marque au motif qu’elle serait contraire à l’ordre public.

A noter enfin que l’office européen a déjà refusé l’enregistrement de marques figuratives reproduisant des armes à feu – destinées à des produits et/ou services physiques et non virtuels – pour ce même défaut de caractère distinctif – voir par exemple le dépôt n°008299075.

Référé-interdiction de marque – défaut d’appréciation globale des signes RECHERCHE APPARTEMENT OU MAISON et RECHERCHE MAISON & APPARTEMENT

Cour de Cassation, 6 septembre 2023, RG 20/16680

La société titulaire des marques verbale et semi-figurative « RECHERCHE APPARTEMENT OU MAISON » a initié une action en référé-interdiction à l’encontre de la société Recherche Maison & Appartement pour obtenir à son encontre des mesures d’interdiction de ce signe, utilisé à titre de nom commercial et de nom de domaine.

Ses demandes ont été rejetées par le tribunal puis par la cour d’appel de Lyon au motif que la vraisemblance de l’atteinte n’est pas caractérisée.

Selon les juges du fond, le changement de place des mots « appartement » et « maison » ainsi que la suppression de la conjonction « ou » ne permettent pas de conclure à l’existence d’une contrefaçon par reproduction et les différences perceptibles au niveau auditif et visuel ne peuvent passer inaperçues aux yeux du consommateur moyen.

La Cour de Cassation casse et annule l’arrêt.

▶ En se fondant sur les dispositions des articles L. 713-3, L. 716-1 et L. 716-6 (dans leur version antérieure à celle issue de l’ordonnance du 13 novembre 2019), elle rappelle :

« qu’est interdite, sauf autorisation du propriétaire, s’il peut en résulter un risque de confusion, l’imitation d’une marque pour des produits ou services identiques à ceux désignés dans l’enregistrement et que ce risque de confusion doit s’apprécier globalement, par référence au contenu des enregistrements des marques, vis-à-vis du consommateur des produits tels que désignés par ces enregistrements ».

▶ Elle juge en conséquence qu’« en se déterminant ainsi, sans rechercher concrètement et au terme d’une appréciation globale si la ressemblance existant entre les signes en présence associant trois mots identiques, ainsi que la similitude des services proposés, ne créent pas un risque de confusion pour un consommateur d’attention moyenne, la cour d’appel n’a pas donné de base légale à sa décision. »

➡ La Cour de cassation rappelle une nouvelle fois la nécessité de procéder à une appréciation globale du risque de confusion, évaluation à laquelle il convient de se plier même en référé.

On notera que la question de la distinctivité des signes revendiqués n’est apparemment pas débattue, du moins dans le cadre de cette procédure d’urgence.

Rejet de l’enregistrement d’une marque sonore composée de la chanson populaire « Johnny, Johnny, yes papa » – défaut de distinctivité

EUIPO, 15 juin 2023, RG 22.318/08.06.2022

Une marque sonore composée de la célèbre comptine « Johnny, Johnny, Yes Papa » a été déposée auprès de d’EUIPO.

La validité pour défaut de caractère distinctif de cette marque était discutée – l’Office rejette la demande d’enregistrement.

Il rappelle qu’une marque sonore dépend, comme pour les autres types de marques, de la perception du signe par le public concerné – le son déposé doit avoir une certaine résonance de nature à permettre au consommateur cible de le considérer comme un signe distinctif.

Ici, les conditions ne sont pas réunies :

➡ La marque dure 39 secondes. Bien que le RMUE soit silencieux sur la longueur d’une marque sonore, les « directives d’examen de l’EUIPO précisent les types de marques sonores qui ne sont pas susceptibles d’être acceptées sans preuve du caractère distinctif, y compris les sons qui sont trop longs pour être considérés comme une indication d’origine ».

➡ Le signe ne contient pas une mélodie aisément et rapidement identifiable dans la mesure où « il commence par un motif simple et répétitif, qui est ensuite accompagné de quelques tonalités et sons de base, typiques de la musique jouée dans les dessins animés, les films ou les chansons avec des paroles pour bébés ou pour enfants ».

➡ La marque n’identifie pas l’origine des produits ou des services offerts à la vente – elle contient plusieurs phrases tirées d’une chanson très populaire et dont il existe de nombreuses versions et vidéos sur internet. Une marque sonore ne sera pas considérée comme distinctive si elle est constituée d’éléments verbaux non distinctifs, descriptifs ou génériques prononcés de manière claire et sans éléments sonores frappants ou inhabituels.

➡ Enfin, les pièces produites par le déposant ne justifient pas d’une acquisition du caractère distinctif par l’usage.

La décision est récente, elle fera peut-être l’objet d’une suite devant la chambre de recours de l’office.

Exploitation d’une composition musicale dans une série pour illustrer une scène de violence – atteinte au respect de l’oeuvre (NON)

Tribunal judiciaire de Paris, 9 juin 2023, RG 20/06038

Un auteur reprochait aux sociétés de production de la série Narcos d’avoir exploité l’œuvre « Ballade pour Adeline » qu’il a composée pour illustrer une scène de meurtre aux motifs notamment que cet usage ne respectait pas l’esprit de l’œuvre et qu’il n’était pas cité dans le générique de l’épisode litigieux.

Les juges rejettent ses demandes fondées sur l’atteinte au respect de l’œuvre :

▶ L’usage d’une œuvre pour illustrer de la violence n’est en soi illicite que si l’esprit de l’œuvre y est incompatible.

Si la musique originale fait preuve de légèreté et avait été dédicacée à la fille de l’auteur, ces éléments ne démontrent pas nécessairement que son usage soit limité à une interprétation pour des enfants ou pour illustrer « l’amour » et la « tendresse ».

▶ Les juges relèvent par ailleurs, que l’auteur avait précédemment autorisé que son œuvre soit exploitée pour illustrer de la violence (pour d’autres productions audiovisuelles par exemple).

Ils soulignent que « l’œuvre a été conçue, ou du moins a évolué avec l’accord de l’auteur, dans un esprit qui n’est pas exclusivement la tendresse, l’amour ou la pureté, et qui n’interdit pas par principe l’association avec la représentation choquante de la violence ».

▶ En outre, dans l’épisode contesté de la série Narcos, l’œuvre était détachée des scènes contestées car elle débutait avant que ces scènes ne basculent dans l’horreur.

➡ En revanche, l’atteinte au droit de paternité est caractérisée : le tribunal relève que ni l’œuvre, ni son auteur ne sont mentionnés au générique. Les sociétés de production se contentent d’alléguer qu’il s’agit d’un usage en matière de séries télévisées sans l’étayer par aucune explication, ni preuve.

➡ Sur le préjudice, le tribunal relève que le droit moral de l’auteur n’est pas un droit de la personnalité et le dommage causé par l’atteinte au droit d’un auteur au respect de son nom et de sa qualité se manifeste concrètement en chaque lieu où des personnes accèdent à la reproduction ou la représentation litigieuse de son œuvre.

Le domaine de compétence du tribunal s’étend donc seulement à la diffusion en France de l’épisode litigieux.

𝗔 𝗻𝗼𝘁𝗲𝗿 : Le tribunal alloue à l’auteur la seule somme de 1000 € en réparation de son préjudice et condamnation de ce même auteur à verser 4000 € à l’un des producteurs au titre de l’article 700.

Exploitation par un employeur de photographies prises par un salarié – irrecevabilité des demandes en contrefaçon (OUI) – appréciation de l’oeuvre collective

Cour d’appel de Paris, 30 juin 2023, RG 21/13981

Un salarié de la société IKKS Prestations revendiquait des droits d’auteur sur 143 photographies qu’il avait réalisées dans le cadre de son travail, en dehors de sa mission initiale de graphiste textile.

Il reprochait à son employeur d’avoir exploité ces photographies pour les besoins de sa communication, sans autorisation préalable, ni rémunération complémentaire au titre de la cession de ses droits d’auteur.

La titularité des droits d’auteur du salarié était discutée au motif que les photographies revendiquées forment une œuvre collective, réalisée sous l’initiative de la société IKKS Prestations.

La Cour d’appel suit cette position et juge irrecevables les demandes du salarié.

Elle rappelle que doivent être qualifiées d’œuvres collectives, « les œuvres procédant d’un travail collectif associant différentes personnes, lorsque la personne morale avait le pouvoir d’initiative sur les créations et en contrôlait le processus jusqu’au produit finalisé en fournissant des directives et des instructions afin d’harmoniser les différentes contributions, celles-ci se fondant dans l’ensemble en vue duquel elles étaient conçues, sans qu’il soit possible d’attribuer à chaque intervenant un droit distinct sur les œuvres réalisées ».

Elle relève ici :

➡ L’ensemble des photographies ont été divulguées par la société IKKS Prestations sous son nom et ont été exploitées par les différentes entités IKKS.

➡ IKKS Prestations a pris l’initiative des différents shootings.

➡ Si différentes attestations sont produites venant soutenir que le salarié est l’auteur des photographies revendiquées, il appartient à ce dernier de démontrer pour chacune desdites photographies, qu’il a maîtrisé le processus de création sans être assujetti à la direction et au contrôle de son employeur.

En l’espèce, les différentes pièces produites démontrent davantage que le salarié répondait aux instructions précises de la société IKKS par la sélection de photographies ou des prestations de retouches sans avoir réellement de marge de manœuvre sur le processus de création.

Sa contribution procédait d’un travail collectif dont son employeur avait l’initiative et le contrôle.

Cette décision peut être rapprochée d’un précédent arrêt rendu par la même Cour d’appel dans une affaire opposant la société Comptoir des Cotonniers à l’un de ses salariés, relative aux dessins artistiques d’une basket iconique. L’œuvre collective avait été pareillement caractérisée et les demandes en contrefaçon du salarié jugée irrecevables. (CA Paris, 5 mars 2021, n° 19/17254)

Captation sans autorisation d’une oeuvre de street-art dans une campagne publicitaire / Contrefaçon (OUI) / Rejet des exceptions légales de liberté de panorama et de courte citation

Cour d’appel de Paris, 5 juillet 2023, RG 21/11317

La Cour d’appel de Paris a condamné M. Melenchon et le parti politique La France Insoumise au regard de l’atteinte portée aux droits d’auteur de l’artiste de street-art, Combo du fait de la captation de son œuvre « La Marianne asiatique » sans autorisation, ni mention de son nom dans des vidéos de campagne.

En première instance, les juges avaient débouté l’artiste au motif notamment que cet usage relève des exceptions légales dites de liberté de panorama et de courte citation.

La Cour d’appel infirme ce jugement rappelant que ces exceptions légales prévues par l’article L. 122-5 du code de la propriété intellectuelle, sont d’application stricte.

Sur la liberté de panorama qui se définit comme suit : « 𝐿𝑒𝑠 𝑟𝑒𝑝𝑟𝑜𝑑𝑢𝑐𝑡𝑖𝑜𝑛𝑠 𝑒𝑡 𝑟𝑒𝑝𝑟𝑒́𝑠𝑒𝑛𝑡𝑎𝑡𝑖𝑜𝑛𝑠 𝑑’œ𝑢𝑣𝑟𝑒𝑠 𝑎𝑟𝑐ℎ𝑖𝑡𝑒𝑐𝑡𝑢𝑟𝑎𝑙𝑒𝑠 𝑒𝑡 𝑑𝑒 𝑠𝑐𝑢𝑙𝑝𝑡𝑢𝑟𝑒𝑠, 𝑝𝑙𝑎𝑐𝑒́𝑒𝑠 𝑒𝑛 𝑝𝑒𝑟𝑚𝑎𝑛𝑒𝑛𝑐𝑒 𝑠𝑢𝑟 𝑙𝑎 𝑣𝑜𝑖𝑒 𝑝𝑢𝑏𝑙𝑖𝑞𝑢𝑒, 𝑟𝑒́𝑎𝑙𝑖𝑠𝑒́𝑒𝑠 𝑝𝑎𝑟 𝑑𝑒𝑠 𝑝𝑒𝑟𝑠𝑜𝑛𝑛𝑒𝑠 𝑝ℎ𝑦𝑠𝑖𝑞𝑢𝑒𝑠, 𝑎̀ 𝑙’𝑒𝑥𝑐𝑙𝑢𝑠𝑖𝑜𝑛 𝑑𝑒 𝑡𝑜𝑢𝑡 𝑢𝑠𝑎𝑔𝑒 𝑎̀ 𝑐𝑎𝑟𝑎𝑐𝑡𝑒̀𝑟𝑒 𝑐𝑜𝑚𝑚𝑒𝑟𝑐𝑖𝑎𝑙 ».

En l’espèce :

▶ « La Marianne asiatique », ni même le mur sur lequel elle a été créée ne constituent une « œuvre architecturale ».

▶ Une œuvre de street-art est soumise aux aléas extérieurs (dégradations, effacements …) et ne peut être considérée comme « placée en permanence sur la voie publique ».

▶ Enfin, cette œuvre ne figure pas de façon accessoire ou fortuite dans les vidéos de campagne. Elle a été intégrée délibérément dans une recherche esthétique qui révèle l’intention du réalisateur d’en faire un élément important du clip et d’exploiter l’œuvre en l’associant au message politique diffusé.

Sur l’exception de courte citation :

▶ Le nom de l’artiste n’était aucunement cité et même s’il était effacé de l’œuvre lors de la réalisation de la vidéo, il aurait dû être mentionné puisqu’il était aisément identifiable par des recherches réalisées sur internet.

▶ Cette captation n’est pas justifiée par le caractère critique, polémique, pédagogique ou informatique des vidéos concernées.

Enfin l’atteinte au droit moral de l’artiste est également reconnue compte tenu notamment de l’absence de mention de son nom et de l’atteinte à « l’intégrité spirituelle » de son œuvre, associée sans son autorisation à un parti et à un homme politique.

Sur ce point, nous avions précédemment commenté la décision du tribunal judiciaire infirmée (lien ici).

Exploitation par un employeur de photographies prises par son salarié – contrefaçon (NON) / oeuvre collective (OUI)

Cour d’appel de Paris, 30 juin 2023, RG 21/13981)

Un salarié de la société IKKS Prestations revendiquait des droits d’auteur sur 143 photographies qu’il avait réalisées dans le cadre de son travail, en dehors de sa mission initiale de graphiste textile.

Il reprochait à son employeur d’avoir exploité ces photographies pour les besoins de sa communication, sans autorisation préalable, ni rémunération complémentaire au titre de la cession de ses droits d’auteur.

La titularité des droits d’auteur du salarié était discutée au motif que les photographies revendiquées forment une œuvre collective, réalisée sous l’initiative de la société IKKS Prestations.

La Cour d’appel suit cette position et juge irrecevables les demandes du salarié.

Elle rappelle que doivent être qualifiées d’œuvres collectives, « les œuvres procédant d’un travail collectif associant différentes personnes, lorsque la personne morale avait le pouvoir d’initiative sur les créations et en contrôlait le processus jusqu’au produit finalisé en fournissant des directives et des instructions afin d’harmoniser les différentes contributions, celles-ci se fondant dans l’ensemble en vue duquel elles étaient conçues, sans qu’il soit possible d’attribuer à chaque intervenant un droit distinct sur les œuvres réalisées ».

Elle relève ici :

➡ L’ensemble des photographies ont été divulguées par la société IKKS Prestations sous son nom et ont été exploitées par les différentes entités IKKS.

➡ IKKS Prestations a pris l’initiative des différents shootings.

➡ Si différentes attestations sont produites venant soutenir que le salarié est l’auteur des photographies revendiquées, il appartient à ce dernier de démontrer pour chacune desdites photographies, qu’il a maîtrisé le processus de création sans être assujetti à la direction et au contrôle de son employeur.

En l’espèce, les différentes pièces produites démontrent davantage que le salarié répondait aux instructions précises de la société IKKS par la sélection de photographies ou des prestations de retouches sans avoir réellement de marge de manœuvre sur le processus de création.

Sa contribution procédait d’un travail collectif dont son employeur avait l’initiative et le contrôle.

Cette décision peut être rapprochée d’un précédent arrêt rendu par la même Cour d’appel dans une affaire opposant la société Comptoir des Cotonniers à l’un de ses salariés, relative aux dessins artistiques d’une basket iconique. L’œuvre collective avait été pareillement caractérisée et les demandes en contrefaçon du salarié jugée irrecevables. (CA Paris, 5 mars 2021, n° 19/17254)

Commercialisation de copies serviles de bracelets « jonc » : des bijoux asiatiques revisités / Contrefaçon (NON) / Concurrence déloyale et parasitaire (OUI)

Dans le cadre d’une action classique en contrefaçon de droits d’auteur, la demanderesse ne contestait pas que les bijoux en litige s’inspiraient d’éléments connus mais revendiquait leur originalité tirée, selon elle, des choix créatifs adoptés lors de leur conception : « la créatrice a exprimé sa personnalité, transformant un objet ethnique/exotique en un modèle de bijou assurant par sa forme, sa couleur, la jonction entre l’exotisme et la modernité ».

La Cour d’appel de Paris écarte l’originalité de ces bijoux et rejette par conséquent l’action en contrefaçon :

▶ Les bijoux s’inscrivent dans la culture asiatique puisqu’ils sont utilisés comme porte bonheur pour le culte bouddhiste.

▶ La technique revendiquée – la poudre d’or soufflée dans un tube en plastique souple – relève du savoir-faire.

▶ La demanderesse n’explique pas en quoi la réalisation de torsades ou de tressages avec ses joncs en plastique découlerait de choix créatifs alors que ces techniques appartiennent au fonds commun de la bijouterie.

Les demandes en concurrence déloyale/parasitaire sont en revanche retenues :

▶ La demanderesse justifie avoir engagé des frais et moyens matériels et humains depuis de nombreuses années pour développer ses produits et les faire connaître par une large campagne de communication, par des publications dans de nombreux magazines, par la présence d’une égérie en la personne d’Inès de la Fressange et par la commercialisation dans des enseignes prestigieuses à destination d’une clientèle haut de gamme.

Les agissements fautifs se caractérisent ainsi par :

▶ La vente à des prix moindres, de copies serviles, selon les mêmes gammes de coloris et les mêmes déclinaisons, selon une présentation promotionnelle identique, sans aucune nécessité, ni tendance de mode.

▶ La mention de la marque de la demanderesse sur un blog et une page Facebook de nature à créer un lien avec ses bijoux, aux yeux du public concerné.

➡ La décision s’inscrit (malheureusement) dans le courant d’une jurisprudence sévère à l’égard des œuvres relevant des arts appliqués. Elle aboutit malgré tout à une condamnation de la partie poursuivie, non pas pour contrefaçon mais pour concurrence déloyale par risque de confusion et parasitisme. Donne-t-on d’une main ce que l’on reprend de l’autre ?

Rappelons qu’en matière de bijouterie, des créations telles que les bracelets ‘Juste un clou’ de Cartier, ‘chaîne d’ancre’ de Hermès et la bague ‘Antifer’ de Repossi ont été, elles, protégées par le droit d’auteur.

Contrefaçon de marques – LE GALANGA c. GALANGA BY MONSIEUR GEORGE (TJ Paris, 11 mai 2023)

L’exploitant d’un restaurant thaïlandais LE GALANGA a assigné en contrefaçon de marque une société exploitant plusieurs hôtels, dont l’hôtel cinq étoiles Monsieur George à Paris.

Se prévalant de sa marque éponyme enregistrée en 2018, il lui reprochait d’avoir déposé les marques GALANGA, GALANGA (localité XX) et GALANGA BY MONSIEUR GEORGE, pour désigner des services de restauration.

La société poursuivie a spontanément renoncé aux deux premières marques et ne conserve que la marque GALANGA BY MONSIEUR GEORGE pour exploiter le restaurant de l’hôtel Monsieur George.

Au-delà des détails de l’affaire, nous retenons que le tribunal déboute le demandeur de son action et écarte l’existence d’un risque de confusion entre les signes LE GALANGA et GALANGA BY MONSIEUR GEORGE.

𝗦𝗲𝗹𝗼𝗻 𝗹𝗲 𝗷𝘂𝗴𝗲𝗺𝗲𝗻𝘁 :

➡ Le public pertinent pour rechercher l’existence d’un risque de confusion est un consommateur de produits de restauration, amateur de restaurants, en particulier de cuisine asiatique, notamment thaïlandaise.

➡ Les signes présentent des différences visuelles et auditives, même si le terme GALANGA se retrouve dans la marque seconde en position d’accroche.

▶ A cet égard, il est dit que GALANGA, défini dans le dictionnaire ‘Larousse cuisine’ comme un cousin du gingembre et utilisé pour parfumer les currys ou les soupes en Thaïlande, constitue un terme évocateur de cette cuisine du monde et ne confère à la marque antérieure qu’une faible distinctivité pour désigner un service de restauration asiatique.

▶ Il en résulte que dans la marque seconde, le signe GALANGA perd sa position distinctive autonome au profit des termes « BY MONSIEUR GEORGE » qui sont arbitraires, constituent l’élément dominant et permettent par ailleurs de différencier les signes sur le plan conceptuel.

𝗤𝘂𝗲 𝗽𝗲𝗻𝘀𝗲𝗿 𝗱𝗲 𝗹𝗮 𝘀𝗼𝗹𝘂𝘁𝗶𝗼𝗻 ?

Certes le jugement est récent et peut-être non définitif.

Mais nous pouvons à tout le moins nous demander si la position contraire ne se serait pas entendue.

L’analyse du risque de confusion – notamment la faible distinctivité du signe –comme la définition du public pertinent et les différences retenues (conceptuelles entre autres) nous semblent discutables dans le cadre d’une appréciation globale et des principes dégagés par la jurisprudence.

Reste donc à attendre tranquillement, mais avec un soupçon d’impatience, l’arrêt (en espérant que la Cour d’appel sera saisie).

Prescription d’une action en contrefaçon de droits d’auteur, bien que les faits incriminés se poursuivent (CA Paris, 17 mai 2023)

Les titulaires des droits d’auteur sur une œuvre musicale ont assigné en contrefaçon de leurs droits, un groupe américain et son éditeur à la suite d’un titre commercialisé depuis 8 ans.

L’irrecevabilité des demandes était discutée sur le fondement de l’article 2224 du code civil au motif que les actes litigieux ont été commis plus de cinq ans avant l’assignation datée du 6 juin 2018.

La Cour d’appel suit ce raisonnement quand bien même les agissements allégués se poursuivent (solution adoptée à la lumière de la décision de la Cour de cassation du 26 février 2020, n°18/19153) :

➡ Les agissements postérieurs ne sont que le prolongement de ceux commis antérieurement.

➡ Le titre incriminé avait été commercialisé dans le monde entier à partir de 2010 et les demandeurs ont ainsi nécessairement eu connaissance de ce titre et donc des faits permettant d’exercer l’action en contrefaçon (il s’agissait du titre ‘Whenever’ du groupe The Black Eyed Peas).

➡ Si les droits moraux de l’auteur sont imprescriptibles et les droits patrimoniaux restent en vigueur, les actions en paiement des créances nées des atteintes à ses droits restent soumises à la prescription quinquennale de droit commun.

Cour d’appel de Paris, 17 mai 2023, RG n°21/15795