Marque TOUR DE FRANCE A LA RAME / Cassation de l’arrêt ayant rejeté les demandes fondées sur l’atteinte à la renommée de la marque TOUR DE FRANCE

Cour de cassation, 19 mars 2025, RG 23 / 18728

La Société du Tour de France, titulaire de la marque « Tour de France » enregistrée en 1977 pour désigner notamment les services de « divertissements » ou « d’organisation d’épreuves sportives » poursuit, aux côtés de sa licenciée A.S.O, dans le cadre d’un contentieux ancien et très connu des praticiens, le fondateur d’une association visant à promouvoir la pratique d’activités sportives. Elles sollicitent la nullité de la marque semi-figurative « Tour de France à la rame » sur le fondement de l’atteinte à la renommée de la marque première.

La Cour de cassation, par un arrêt publié au Bulletin, censure l’arrêt d’appel sur l’appréciation de la renommée.

Ce que l’on en retient :

➡️ Sur la renommée et le public concerné : la marque « Tour de France » désigne un évènement sportif ayant lieu chaque année sans interruption, qui bénéficie d’une retransmission télévisuelle sur les chaînes publiques avec des audiences très élevées et qui est qualifié de « troisième évènement sportif mondial ». La renommée de cette marque est d’une intensité telle qu’elle est connue de la totalité du public français. La renommée ne saurait donc se cantonner au public concerné par les produits ou services pour lesquels cette renommée a été acquise.

➡️ Sur la similitude des signes : pour conclure à l’existence de différences conceptuelles, c’est à tort que la Cour d’appel a pris en compte les conditions d’exploitation de la marque « Tour de France » et considéré qu’elle est renommée pour une course cycliste, alors que la comparaison doit s’opérer eu égard aux seules qualités intrinsèques des signes en conflit.

➡️ Sur le risque de « dilution » : les demanderesses n’ont pas cherché à interdire l’usage de l’expression Tour de Francedans son acception usuelle, mais à obtenir l’annulation de la marque « Tour de France à la rame » et à en interdire l’usage en tant que marque. Il aurait dû être recherché si cet usage n’exposait pas la marque « Tour de France » à un risque de « brouillage » en affaiblissant le rattachement opéré par le public et les médias avec cette marque et en les laissant penser que ces termes sont génériques, affectant ainsi son caractère distinctif propre et sa fonction d’origine essentielle.

𝐋’œ𝐢𝐥 𝐝𝐞 𝐁𝐀 : il est bienvenu de rappeler, selon la jp de la CJUE, que certaines marques peuvent avoir acquis une renommée telle qu’elle va au-delà du public concerné par les produits ou services pour lesquelles elles sont enregistrées.
Tout aussi important de rappeler qu’une marque de renommée peut souffrir d’un brouillage (dilution ou grignotage) qui affectera sa fonction d’identification d’origine.
Renvoi de l’affaire devant la Cour d’appel de Paris, autrement composée.

Vente de montres ROLEX transformées en éditions limitées / Absence d’épuisement des droits

Tribunal judiciaire de Paris, 12 février 2025, RG 22/09315

Les sociétés ROLEX poursuivent en contrefaçon de marques la société SKELETON qui propose des services de personnalisation de montres de luxe. Elles lui reprochent notamment de transformer des montres ROLEX sans autorisation, d’exploiter les marques ROLEX sur les réseaux sociaux et de les associer à d’autres marques, générant ainsi un risque de confusion.

Le tribunal condamne ces pratiques, en écartant la règle de l’épuisement des droits :

➡️ Il rappelle que le titulaire d’une marque ne peut en interdire l’usage lorsque les produits ont été mis sur le marché de l’espace économique européen, par ses soins ou avec son consentement.

➡️ Toutefois, une modification substantielle du produit authentique revêtu de la marque peut constituer un usage illicite si elle est de nature à laisser penser que le titulaire de la marque est responsable de l’ensemble du processus de fabrication (Cass. Com, 28 janvier 1992, n°90/14292).

En l’espèce,

➡️ Bien que la société SKELETON présente son activité comme un service de personnalisation, elle commercialise en réalité des montres transformées, fabriquées et vendues sur commande, sous forme d’éditions limitées, et revêtues des marques ROLEX.

➡️ La communication réalisée autour de son activité met en avant les transformations importantes réalisées sur les montres au niveau du mouvement, du cadran ou du bracelet.

➡️ En outre, les marques ROLEX sont supprimées de la montre d’origine puis réapposées sur les montres modifiées.

➡️ Ces interventions, réalisées sans l’accord du titulaire des droits, constituent une altération substantielle des produits d’origine.

➡️ Les sociétés ROLEX justifient ainsi d’un « motif légitime » pour s’opposer à la règle de l’épuisement des droits dès lors que ces modifications sont de nature à porter atteinte à la fonction essentielle de ses marques, qui est de garantir l’origine des produits.

➡️ Par ailleurs, la contrefaçon est également caractérisée par l’utilisation de marques ROLEX sous forme de hashtags sur les réseaux sociaux pour promouvoir les montres modifiées, ainsi que par l’apposition de marques tierces telles que « V CONCEPT » sur les produits. Cette pratique est susceptible d’induire le public en erreur en lui faisant croire à l’existence d’un lien entre ces marques et ROLEX.

Décision non définitive, un appel pouvant être interjeté.

RICHEMONT c. VUITTON / Reprise d’un modèle de trèfle quadrilobé cerclé d’un contours en métal / parasitisme (NON)

Cour de cassation, 5 mars 2025, RG 23/21157

Les sociétés du Groupe Richemont, qui commercialisent depuis 1968 la collection de bijoux « Alhambra », caractérisée par le trèfle quadrilobé iconique entouré d’un contour en métal précieux, reprochent aux sociétés Vuitton d’avoir commis des actes de concurrence déloyale et parasitaire en commercialisant les bijoux « Color Blossom », constitué également d’un motif de trèfle.

La Cour d’appel les avait déboutées de leurs demandes. La Cour de cassation rejette le pourvoi et confirme ainsi la décision :

➡️ La Cour de cassation rappelle un principe établi : les idées étant de libre parcours, le fait de reprendre un concept en le déclinant, ne constitue pas, en soi, un acte de parasitisme.

➡️ Si la collection « Alhambra » bénéficie d’une valeur économique individualisée en raison de son ancienneté et de son caractère emblématique, la collection « Color Blossom » ne reprend pas toutes ses caractéristiques : le motif quadrilobé n’est pas détouré, il ne comporte pas de sertissage perlé ni de caractère double face, la pierre semi-précieuse n’est pas lisse et contient un élément central.

Le motif « Blossom » s’inspire en réalité de la fleur quadrilobée issue de la toile monogrammée de Vuitton, utilisée depuis 1896.

➡️ Il n’est pas démontré que Vuitton s’est inspirée de la collection « Alhambra » pour créer « Color Blossom » qui s’inscrit dans une tendance de la mode et répond aux pratiques de la joaillerie ainsi qu’à des impératifs économiques.

De même, la déclinaison des bijoux en plusieurs tailles et modèles (bagues, colliers, bracelets, boucles d’oreilles) est une pratique courante dans le secteur et ne peut être considérée comme une captation des codes de la collection « Alhambra ».

➡️ Dès lors, même pris en combinaison, les divers griefs reprochés aux sociétés Vuitton ne suffisent pas à établir un comportement fautif. La Cour d’appel a pu valablement déduire qu’elles n’avaient pas eu la volonté de se placer dans le sillage des sociétés du groupe Richemont.

Œ𝐢𝐥 𝐝𝐞 𝐁𝐀 : L’arrêt, quoique de rejet, est publié au bulletin, signe de son importance pour la Cour de cassation qui, depuis quelques temps déjà, tente de circonscrire le parasitisme.

Contrefaçon de droits d’auteur (NON) / Concurrence déloyale et parasitaire (NON) / Pas d’interdiction en référé des pots cosmétiques commercialisés par FILORGA

Cour d’appel de Paris, 6 décembre 2023, RG 22/19703

La société PLASTICOS FACA, l’un des leaders en matière de pots haut de gamme dans les cosmétiques, a fourni à la société FILORGA un pot « T 65 » pour le conditionnement de soins visage, pendant plusieurs années.

Considérant que FILORGA exploitait un emballage similaire au « T 65 » après la fin de leur collaboration, elle l’a assignée en référé pour contrefaçon de ses droits d’auteur, concurrence déloyale et parasitaire.

𝗟𝗮 𝗖𝗼𝘂𝗿 𝗿𝗲𝗷𝗲𝘁𝘁𝗲 𝗹𝗲𝘀 𝗱𝗲𝗺𝗮𝗻𝗱𝗲𝘀

𝐃𝐫𝐨𝐢𝐭 𝐝’𝐚𝐮𝐭𝐞𝐮𝐫

➡️ La société PLASTICOS FACA revendiquait l’originalité de son emballage en soulignant not. sa forme cubique allongée, sa partie inférieure transparente, son couvercle opaque, des effets de luminosité et certains autres détails d’exécution.

➡️ Si les caractéristiques du pot sont décrites avec précision, la Cour observe que le créateur n’a jamais explicité en quoi il reflétait précisément l’empreinte de sa personnalité.

➡️ Des contenants antérieurs, comportant des caractéristiques similaires à celles revendiquées, sont versés aux débats.

➡️ Le pot « T 65 », s’il témoigne d’un indéniable savoir-faire, ne présente donc pas, avec l’évidence requise en référé, une physionomie propre et n’apparaît pas susceptible de protection par le droit d’auteur.

➡️ L’existence d’un trouble manifestement illicite n’est pas démontrée, pas plus que l’urgence alléguée, laquelle s’apprécie à la date à laquelle la juridiction statue.

𝐂𝐨𝐧𝐜𝐮𝐫𝐫𝐞𝐧𝐜𝐞 𝐝𝐞́𝐥𝐨𝐲𝐚𝐥𝐞/𝐩𝐚𝐫𝐚𝐬𝐢𝐭𝐚𝐢𝐫𝐞

➡️ Aucun risque de confusion dans l’esprit du public n’est établi.

➡️ Si la réalisation du pot « T 65 » a nécessité du travail et que son design présente des qualités techniques et esthétiques, rien ne démontre qu’il constitue une valeur économique individualisée.

➡️ Le pot a pu acquérir une forte identité grâce aux publicités FILORGA. Toutefois, PLASTICOS FACA ne peut se prévaloir des investissements réalisés par sa cliente, ce d’autant plus que le pot n’apparaît que partiellement, avec la mention de la marque FILORGA.

➡️ Le pot est relativement commun et est largement utilisé dans le secteur des cosmétiques.

➡️ Le trouble illicite n’est pas établi avec l’évidence requise en référé.

𝐋’œ𝐢𝐥 𝐝𝐞 𝐁𝐀 : Cette décision de 2023 n’écarte pas, par principe, la possibilité d’introduire un référé en droit d’auteur, contrairement à la position surprenante récemment adoptée par le TJ de Paris le 8 janv. 2025, relayée par Jérôme TASSI. De l’espoir, donc, pour considérer que le référé conserve (heureusement selon nous) toute sa place en la matière et que le Juge peut parfaitement rechercher si l’originalité lui paraît établie avec l’évidence requise à ce stade.

Commercialisation de modèles réduits d’articles de cirque sous la dénomination AMAR / Contrefaçon de marque (NON) / Procédure abusive (OUI)

Tribunal judiciaire de Paris, 7 novembre 2024, RG 22/10431

La marque semi-figurative AMAR exploitée pour des spectacles de cirque a fait l’objet d’un dépôt pour désigner des produits de l’imprimerie, des services de publicité et de spectacles de cirque (classes 16, 35 et 41).

La titulaire de la marque et son licencié exclusif assignent en contrefaçon une personne qui commercialise sous la dénomination ‘Sai Collection’, des modèles réduits de chapiteaux, façades, animaux ou véhicules sous la « COLLECTION CIRQUE AMAR ».

La défenderesse conteste toute atteinte : ses produits sont des modèles réduits et les signes AMAR utilisés, ne le sont pas à titre de marque mais d’illustration. Elle affirme également avoir acquis en toute légalité les produits auprès d’anciens exploitants du cirque.

𝗟𝗲 𝗷𝘂𝗴𝗲𝗺𝗲𝗻𝘁 : 𝗿𝗲𝗷𝗲𝘁 𝗱𝗲 𝗹𝗮 𝗰𝗼𝗻𝘁𝗿𝗲𝗳𝗮𝗰̧𝗼𝗻 + 𝗽𝗿𝗼𝗰𝗲́𝗱𝘂𝗿𝗲 𝗮𝗯𝘂𝘀𝗶𝘃𝗲

𝗖𝗼𝗻𝘁𝗿𝗲𝗳𝗮𝗰̧𝗼𝗻

➡️ Les signes présentent de fortes similitudes visuelles, phonétiques et conceptuelles.

➡️ Toutefois, la similitude entre les produits et services en litige est écartée aux termes d’une analyse qui nous paraît fort rapide (jsp CANON : pour la comparaison de produits/services, il convient de tenir compte de tous les facteurs pertinents, not. leur nature, destination, utilisation ainsi que leur caractère concurrent ou complémentaire).

Alors que la marque antérieure vise les figurines et enseignes en papier/carton, il est jugé que les figurines d’animaux et personnages incriminées ne sont pas composées de papier ou de carton et que les façades et chapiteaux miniatures n’ont pas la fonction signalétique d’une enseigne.

Selon le tribunal, ces produits dont la finalité est le divertissement ne peuvent être regardés comme des articles de papeterie ou de publicité, ni comme du matériel de travaux manuels ou créatifs visés par la classe 16, mais uniquement comme des jeux ou jouets, relevant de la classe 28.

➡️ En csq, la défenderesse peut faire usage, dans la vie des affaires, des signes « AMAR » ou « COLLECTION CIRQUE AMAR », que ce soit sur les produits ou leurs accessoires tels que les conditionnements ou la publicité.

𝗣𝗿𝗼𝗰𝗲́𝗱𝘂𝗿𝗲 𝗮𝗯𝘂𝘀𝗶𝘃𝗲

➡️ Les demandeurs sont solidairement condamnés à la somme de 3 000 € (outre celle de 12 000 euros au titre de l’art. 700) au motif not. qu’ils auraient dû comprendre, après 3 années d’instruction et 3 échanges de conclusions, que les demandes étaient vouées à l’échec.

𝗟’œ𝗶𝗹 𝗱𝗲 𝗕𝗔 :

Voici une décision qui nous semble bien sévère à tous égards !

De quoi interroger lorsqu’on agit sur le fondement d’une marque valable. La similitude entre les P/S avait, selon nous, de quoi prospérer, et d’être davantage analysée.

L’argument en défense, tiré de l’absence d’usage à titre de marque, avait de quoi être rejeté en application de la jsp OPEL de la CJCE (C-48/05 – 25 janv. 2007) relative à l’apposition, sans autorisation, d’un signe identique à une marque sur des modèles réduits de véhicules.

Le jugement n’est pas définitif.

Cosmétique – ancien salarié créant une société concurrente aux nom et produits proches

Cour d’appel de Lyon, 3 octobre 2024, n°19/03429

La société MALDONN, exerçant sous le nom commercial « SUN INSTITUTE », commercialise des produits de beauté, dont un « KIT SUN INSTITUTE » composé d’un diffuseur bien-être et d’une lotion bronzante.

Après avoir constaté qu’un ancien salarié avait créé une société « SUN COSMETICS », elle l’assigne en concurrence déloyale et parasitaire.

Elle lui reproche d’avoir fondé une entreprise concurrente sous un nom similaire, de commercialiser des produits identiques sous des pratiques commerciales semblables, de détourner sa clientèle de manière déloyale et de tenir des propos dénigrants à son encontre.

En défense, l’ancien salarié expose notamment que la société SUN INSTITUTE ne peut se prévaloir d’un savoir-faire sur la lotion bronzante, non protégée par un brevet, que les produits vendus restent différents et qu’il n’existe aucune confusion entre les signes SUN COSMETICS et SUN INSTITUTE compte tenu de leur banalité.

Il rappelle qu’il n’est lié par aucune clause de non-concurrence avec son ancien employeur et que la réalité d’un détournement de clientèle n’est pas rapportée.

𝗟𝗮 𝗖𝗼𝘂𝗿 𝗱’𝗮𝗽𝗽𝗲𝗹 𝗮𝗱𝗺𝗲𝘁 𝗾𝘂𝗲 𝗹𝗲𝘀 𝗽𝗿𝗮𝘁𝗶𝗾𝘂𝗲𝘀 𝗱𝗲 𝗹𝗮 𝘀𝗼𝗰𝗶𝗲́𝘁𝗲́ 𝗦𝗨𝗡 𝗖𝗢𝗦𝗠𝗘𝗧𝗜𝗖𝗦 𝘀𝗼𝗻𝘁 𝗳𝗮𝘂𝘁𝗶𝘃𝗲𝘀.

𝗟𝗲 𝗿𝗶𝘀𝗾𝘂𝗲 𝗱𝗲 𝗰𝗼𝗻𝗳𝘂𝘀𝗶𝗼𝗻, 𝗲𝗻𝘁𝗿𝗮𝗶̂𝗻𝗮𝗻𝘁 𝘂𝗻 𝗱𝗲́𝘁𝗼𝘂𝗿𝗻𝗲𝗺𝗲𝗻𝘁 𝗱𝗲 𝗰𝗹𝗶𝗲𝗻𝘁𝗲̀𝗹𝗲 :

➡️ En vertu du principe de la liberté du commerce et de la libre concurrence, il n’existe pas de droit privatif sur les clients et le démarchage est licite sauf s’il est accompagné de procédés déloyaux. De tels agissements déloyaux ne sont pas exonérés par l’absence de droits de propriété intellectuelle ou l’absence de clauses de non-concurrence.

➡️ La similitude des signes « SUN COSMETICS » et « SUN INSTITUTE », associée à des pratiques commerciales similaires, engendrent un risque de confusion dans l’esprit de la clientèle.

➡️ La société SUN COSMETICS a exploité des slogans similaires pour promouvoir ses produits, si bien que des clients ont cru interagir avec la société SUN INSTITUTE.

➡️ Elle a également sciemment tenté de copier la lotion emblématique de SUN INSTITUTE. Malgré l’absence de brevet, la volonté manifeste de reprendre un produit similaire est démontrée.

𝗟𝗲 𝗱𝗲́𝗻𝗶𝗴𝗿𝗲𝗺𝗲𝗻𝘁 :

➡️ Des témoignages et attestations prouvent que la société SUN COSMETICS a tenté de discréditer sa concurrente en soulignant la mauvaise qualité de ses produits, dépassant ainsi les limites de la simple critique pour en tirer un avantage concurrentiel.

𝗟𝗮 𝗱𝗲́𝘀𝗼𝗿𝗴𝗮𝗻𝗶𝘀𝗮𝘁𝗶𝗼𝗻 :

➡️ La société SUN COSMETICS a utilisé des stratégies commerciales destinées à désorganiser la société SUN INSTITUTE, comme la revente de produits sur internet sous de fausses identités ou en violation de ses CGV.

Le parasitisme n’est en revanche pas retenu puisque la valeur économique attachée à la dénomination sociale SUN INSTITUTE et ses produits, n’est pas rapportée.

Exploitation du signe KAREMENT MAISON par un ancien franchisé de la marque KARE – contrefaçon (oui) / dépôt frauduleux (oui) / concurrence déloyale (oui)

Tribunal judiciaire de Paris, 25 octobre 2024, n°21/15648

La société KARE DESIGN, spécialisée dans la vente de meubles et luminaires, assigne en contrefaçon son ancien distributeur franchisé, la société DESIGN FOR YOU.

KARE DESIGN lui reproche d’avoir poursuivi, à l’issue de leur relation contractuelle, l’exploitation du signe « KARE » sur son enseigne et sur des affiches publicitaires, puis d’avoir imité sa marque en utilisant une nouvelle enseigne « KAREMENT MAISON », déposée à titre de marque.

𝗟𝗮 𝗰𝗼𝗻𝘁𝗿𝗲𝗳𝗮𝗰̧𝗼𝗻 𝗲𝘀𝘁 𝗿𝗲𝗰𝗼𝗻𝗻𝘂𝗲 :

➡️ Les preuves fournies par KARE DESIGN démontrent que DESIGN FOR YOU a maintenu, après la fin du contrat de franchise, l’usage du signe « KARE » sur des enseignes et une affiche apposée en façade du magasin, selon une graphie identique à la marque pour désigner des produits identiques. La contrefaçon par reproduction est caractérisée.

➡️ S’agissant de l’usage du signe « KAREMENT MAISON », la contrefaçon par imitation est retenue.

▶️ Les deux signes partagent l’élément distinctif et dominant « KARE ». Les similitudes visuelles et phonétiques entre les signes sont moyennes (la comparaison conceptuelle n’est pas pertinente puisque « KARE » n’a pas de signification précise) mais l’utilisation du même élément distinctif, en accroche, pour désigner des produits identiques ou fortement similaires, engendre un risque de confusion auprès du public, qui pourra attribuer aux signes une origine commune.

▶️ L’utilisation de l’enseigne « KAREMENT MAISON » sur les façades du magasin dont les parois vitrées laissent apercevoir les produits exposés à l’intérieur, crée un lien évident dans l’esprit du public entre ce signe et les produits de la société KARE DESIGN. Le fait que le magasin ait appartenu au réseau de franchise « KARE » pendant plusieurs années, est de nature à accentuer ce lien.

𝗟’𝗮𝗻𝗻𝘂𝗹𝗮𝘁𝗶𝗼𝗻 𝗱𝗲 𝗹𝗮 𝗺𝗮𝗿𝗾𝘂𝗲 « 𝗞𝗔𝗥𝗘𝗠𝗘𝗡𝗧 𝗠𝗔𝗜𝗦𝗢𝗡 » 𝗽𝗼𝘂𝗿 𝗳𝗿𝗮𝘂𝗱𝗲 :

➡️ La fraude est établie au regard de la date de dépôt et des circonstances (trois mois après la fin du contrat de franchise) ainsi que de la reprise de l’élément « KARE », décliné sous le jeu de mot utilisé par le franchiseur « KAREment ».

➡️ DESIGN FOR YOU, qui avait connaissance de l’existence de la marque « KARE », a sciemment décliné ce signe qu’elle a souhaité par la suite protéger à titre de marque. Cette pratique laissait donc croire que son magasin demeurait affilié au réseau « KARE ».

𝗟𝗲𝘀 𝗮𝗰𝘁𝗲𝘀 𝗱𝗲 𝗰𝗼𝗻𝗰𝘂𝗿𝗿𝗲𝗻𝗰𝗲 𝗱𝗲́𝗹𝗼𝘆𝗮𝗹𝗲/𝗽𝗮𝗿𝗮𝘀𝗶𝘁𝗮𝗶𝗿𝗲 𝘀𝗼𝗻𝘁 𝗿𝗲𝘁𝗲𝗻𝘂𝘀 :

➡️ L’usage des déclinaisons « KAREment » sur les réseaux sociaux pour des communications commerciales constitue une pratique déloyale, distincte de la contrefaçon.

➡️ Cette utilisation renforce le risque de confusion dans l’esprit du public en cherchant à maintenir un lien avec le magasin auparavant exploité sous l’enseigne « KARE », alors que les sociétés en cause opèrent sur le même marché.

Marques déposées par un distributeur en France / Dépôts en fraude des droits de son fournisseur étranger (oui)

Tribunal judiciaire de Paris, 25 octobre 2024, n°20/07661

A partir de 2002, la société NDE a distribué en France un détergent sous les marques « BAGUI » et « SHUMANIT », fabriqué par la société de droit israélien BAGI.

A cette occasion, NDE avait déposé ces deux marques en France, tandis que la société BAGI avait protégé ces mêmes signes en Israël et par des marques internationales désignant la France.

En 2020, la société BAGI a choisi de distribuer ses produits en France par l’intermédiaire de la société ELDAI. La société NDE a alors assigné ce distributeur en contrefaçon et concurrence déloyale, sur le fondement de ses marques françaises de 2002.

Assignée en intervention forcée, la société BAGI a reconventionnellement sollicité le transfert de ces marques à son profit, au motif que ces dépôts avaient été réalisés par la société NDE en fraude de ses droits.

𝗟𝗲 𝘁𝗿𝗶𝗯𝘂𝗻𝗮𝗹 𝗮𝗱𝗺𝗲𝘁 𝗹𝗲 𝗰𝗮𝗿𝗮𝗰𝘁𝗲̀𝗿𝗲 𝗳𝗿𝗮𝘂𝗱𝘂𝗹𝗲𝘂𝘅 𝗱𝗲𝘀 𝗱𝗲́𝗽𝗼̂𝘁𝘀 𝗰𝗼𝗻𝘁𝗲𝘀𝘁𝗲́𝘀 :

➡️ Il est établi que la société NDE était le distributeur français des produits de la société BAGI qui les commercialisait déjà ailleurs sous les marques « BAGUI » et « SHUMANIT ». Le choix des noms et le design des étiquettes des produits provenaient de la société BAGI. Les signes « BAGUI » et « SHUMANIT » étaient donc essentiels à l’activité de cette dernière.

➡️ Lors du dépôt des marques, la société NDE savait que les signes « BAGUI » et « SHUMANIT » étaient ceux de son fournisseur, qu’ils soient connus ou non.

➡️ Ainsi, déposant sciemment à titre de marque ces signes nécessaires à l’activité de son fournisseur, la société NDE s’est indûment réservée, pour la France, l’exclusivité définitive de la distribution, à tout le moins le contrôle de l’usage de ces signes.

➡️ Si à la date des dépôts, la société NDE avait souhaité sécuriser les droits des deux parties et non uniquement ses propres intérêts, elle aurait dû effectuer les dépôts au nom de la société BAGI, plutôt qu’en son nom propre.

➡️ Enfin, la démarche de la société NDE visant à assigner la société ELDAI démontre que ces dépôts avaient pour but d’assurer frauduleusement une exclusivité sur les signes, en empêchant la société BAGI de choisir un autre distributeur.

Les marques ont été transférées de manière rétroactive à la société BAGI et la saisie-contrefaçon, réalisée à l’origine par la société NDE, annulée.

𝗦’𝗮𝗴𝗶𝘀𝘀𝗮𝗻𝘁 𝗱𝗲𝘀 𝗱𝗲𝗺𝗮𝗻𝗱𝗲𝘀 𝗲𝗻 𝗰𝗼𝗻𝗰𝘂𝗿𝗿𝗲𝗻𝗰𝗲 𝗱𝗲́𝗹𝗼𝘆𝗮𝗹𝗲 𝗲𝘁 𝗽𝗮𝗿𝗮𝘀𝗶𝘁𝗮𝗶𝗿𝗲, 𝗲𝗹𝗹𝗲𝘀 𝘀𝗼𝗻𝘁 𝗲́𝗴𝗮𝗹𝗲𝗺𝗲𝗻𝘁 𝗿𝗲𝗷𝗲𝘁𝗲́𝗲𝘀 :

➡️ La société NDE n’est ni à l’origine des produits distribués, ni de leur étiquette. Les griefs invoqués ne reposent en définitive que sur l’existence d’une distribution concurrente de mêmes produits fournis par le même fournisseur, ce que rien n’interdit.

Newspaper – september 2024

Check out our latest Newspaper ! A retrospective of various decisions in the field of intellectual property law, for our English readers, with commentary by the team and the must-read « B.a’s eye ».

Link: https://lnkd.in/eHvzB5vv.

Enjoy your reading!

Retrouvez notre dernier Newspaper ! Une rétrospective de diverses décisions en droit de la propriété intellectuelle, pour nos lecteurs anglophones, commentée par l’équipe, assortie de l’incontournable « Œil de B.a ».

Lien : https://lnkd.in/eHvzB5vv.

Très bonne lecture !

Déchéance de marques composées de caractères chinois (oui) / altération du caractère distinctif

Cour d’appel de Bordeaux, 18 septembre 2024, n°21/04255

La SAS Castel Frères, titulaire de deux marques figuratives françaises en langue chinoise déposées pour des boissons alcooliques et des vins reprochait à une société chinoise de commercialiser des bouteilles de vin en Chine sous un signe proche.

La société chinoise a introduit une action en déchéance des marques françaises précitées devant le TJ de Bordeaux en 2018.

L’usage sérieux des marques avait dans un premier temps été reconnu par le tribunal judiciaire, mais la Cour d’appel infirme la décision attaquée.

Elle prononce effectivement la déchéance des deux marques au motif que l’utilisation qui en est réalisée est de nature à altérer leur caractère distinctif :

➡️ S’agissant du public pertinent et de sa perception des marques contestées, il est constant que les produits visés – des bouteilles de vin rosé importées de Chine – sont disponibles dans les restaurants, les cafés et les grandes surfaces. Dès lors, même si la stratégie commerciale de la société Castel Frères vise un public sinophile, c’est en réalité le grand public qui est confronté à ce signe compte tenu des réseaux de distribution concernés.

➡️ S’agissant de l’usage des marques, elles sont apposées essentiellement sur des étiquettes de bouteilles de vin, auxquelles se réfèrent les catalogues, factures ou fiches d’information versés aux débats. À la lumière de ces éléments, il apparaît que le public pertinent n’est pas en mesure de prononcer ou de mémoriser les marques semi-figuratives.

La Cour souligne que les caractères chinois peuvent faire l’objet d’une marque, car ils possèdent un caractère distinctif. Toutefois, ce caractère distinctif se heurte à un déficit de reconnaissance par le public français moyen, qui ne peut ni les comprendre, ni les interpréter.

➡️ Les marques sont toujours accompagnées de deux autres signes – « Dragon de Chine » associé au dessin d’un dragon et « Kasite » (traduction française de la marque contestée) – apposés de manière prédominante, de sorte que ces éléments domineront davantage l’impression d’ensemble conféré par le signe, pris dans sa globalité, apposé sur l’étiquette des produits.

➡️ Dès lors, il existe une altération du caractère distinctif des marques résultant de leur usage, ce d’autant qu’il n’est pas démontré que le public ne prenne pas ces marques comme un ‘caractère de fantaisie’ uniquement destiné à souligner l’origine du vin, et donc décoratif.