Aff. C-160/15 – Conclusions de l’Avocat Général 7 avril 2016
L’éditeur de la revue Playboy, qui avait fait réaliser des photographies, a constaté qu’un site Internet hollandais publiait des hyperliens qui renvoyaient vers un site australien, lequel mettait à disposition des internautes ces photographies, sans son autorisation ou celle de leur auteur.
L’affaire a été portée devant la Cour suprême des Pays-Bas (le Hoge Raad der Nederlanden) qui a posé à la Cour de justice de l’Union Européenne trois questions préjudicielles (affaire C-160/15, GS Media BV/Sanoma Media Netherlands B.V).
Le 7 avril 2016, l’Avocat Général, Melchior Wathelet, a présenté ses conclusions desquelles il ressort les éléments suivants.
Il rappelle tout d’abord qu’à la lumière de l’arrêt Svesson (CJUE, 13 février 2014, C-466/12, Svesson/Retriever Sverige), des hyperliens placés sur un site Internet, renvoyant vers un autre site Internet mettant en libre accès des œuvres protégées par le droit d’auteur ne constituent pas une « communication au public » au sens de l’article 3, paragraphe 1, de la directive 2001/29 dès lors que l’intervention de l’exploitant du site ayant placé l’hyperlien n’est pas indispensable pour la mise à disposition des œuvres au public – ces dernières l’ont été par le site ayant réalisé leur communication initiale.
Aucune communication au public ne pouvant dès lors être caractérisée, la question de l’absence d’autorisation du titulaire du droit d’auteur n’a pas lieu de se poser.
De même, est sans pertinence le fait de déterminer si la société ayant placé l’hyperlien savait ou devait savoir que la communication initiale des œuvres protégées sur le site Internet de tiers – en l’espèce le site Internet australien – ou ailleurs n’avait pas été autorisée par le titulaire du droit d’auteur.
L’Avocat Général ajoute que bien que l’hyperlien facilite ou rende plus aisé l’accès aux œuvres protégées, l’exploitant du site Internet publiant l’hyperlien ne met pas ses œuvres à disposition d’un public nouveau. Ainsi, même dans cette hypothèse, l’hyperlien ne constitue pas « une communication au public » au sens de l’article 3, paragraphe 1 de la directive 2001/29.
Toutefois, dans le cas où l’hyperlien permettrait de contourner une mesure de restriction sur le site Internet de tiers pour accéder à des œuvres protégées, cet hyperlien constituerait alors un acte de communication au public.
L’avocat général estime enfin que l’hyperlien est nécessaire pour l’architecture d’Internet et considère que toute autre interprétation de la notion de « communication au public » porterait atteinte au bon fonctionnement d’Internet ainsi qu’au développement de la société d’information, l’un des principaux objectifs de la directive 2001/29.
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Le titulaire de droits d’auteur dont l’œuvre a été mise à la disposition du public sans son autorisation restera toujours en mesure de faire respecter ses droits de propriété intellectuelle soit directement à l’encontre de la personne qui a effectué la communication initiale de l’œuvre sans son autorisation, soit à l’encontre d’intermédiaires ayant rendu possible cette première communication.
L’article L.336-2 du Code de la propriété intellectuelle (issu de la transposition des articles 8, paragraphe 3 de la directive 2001/29 et 11 de la directive 2004/48) prévoient en effet qu’ « En présence d’une atteinte à un droit d’auteur ou à un droit voisin occasionnée par le contenu d’un service de communication au public en ligne, le tribunal de grande instance, statuant le cas échéant en la forme des référés, peut ordonner à la demande des titulaires de droits sur les œuvres et objets protégés, de leurs ayants droit, des sociétés de perception et de répartition des droits visées à l’article L. 321-1 ou des organismes de défense professionnelle visés à l’article L. 331-1, toutes mesures propres à prévenir ou à faire cesser une telle atteinte à un droit d’auteur ou un droit voisin, à l’encontre de toute personne susceptible de contribuer à y remédier.».