(TGI Paris, 12 mai 2016 n°14/18320)
Par un jugement du 12 mai 2016, le TGI de Paris (3ème chambre – 4ème section) a réaffirmé sa position selon laquelle un simple dépôt de marque ne constitue pas un acte d’usage dans la vie des affaires et ne peut, conformément à la jurisprudence (CJUE, 16 novembre 2004, C-245/02, Anheuseur-Bush) et à l’article 9 du Règlement CE 207/2009, caractériser un acte de contrefaçon.
Bien que cette solution ne soit pas nouvelle (voir notamment en ce sens, TGI Paris, 11 février 2016, n°14/11355; TGI Paris, 23 mai 2013, n°12/04963 ou CA Versailles, 1er décembre 2015, n° 14/02825), elle ne fait pas l’unanimité.
Dans un arrêt du 21 février 2012, la Cour de cassation a en effet cassé l’arrêt de la Cour d’appel de Douai qui avait reconnu la contrefaçon mais écarté les demandes en dommages-intérêts compte tenu de l’absence d’usage de la marque contestée et a énoncé « qu’ en statuant ainsi, alors que l’atteinte portée au droit privatif que constitue la propriété d’une marque justifie à elle seule l’allocation de dommages-intérêts, peu important la bonne foi du contrefacteur ou l’absence d’usage dans la vie des affaires de la marque contrefaisante, la cour d’appel a violé l’art. L. 716-1 CPI » (Cass. Com. 21 février 2012 n° 11-11.752).
De même, la Cour d’appel de Paris a jugé, à plusieurs reprises, qu’un simple dépôt constitue à lui seul une atteinte à une marque antérieure :
« le seul dépôt d’une marque, indépendamment de son utilisation effective sur le marché, est susceptible de constituer un acte d’usage non autorisé d’une marque préexistante, et par là-même un acte de contrefaçon par usage non autorisé, portant préjudice au premier déposant » (CA Paris, 19 juin 2013, n° 12/07569 ; également CA Paris, 9 septembre 2014, n° 13/05804).
C’est encore cette position que la doctrine semble favoriser (RTD Com. 2015 p. 267, 16 juillet 2015, Jacques Azéma).
Selon nous, il convient pourtant d’approuver la décision du Tribunal : seule la mise en contact de la marque litigieuse avec le public auquel elle s’adresse est susceptible de constituer un acte d’usage dans la vie des affaires, lequel s’analyse, selon la jurisprudence européenne, comme un acte qui se situe dans le contexte d’une activité commerciale visant à un avantage économique et non dans le domaine privé (CJUE, 12 novembre 2002, C-206/01, Arsenal). Ce n’est que si le consommateur a pu avoir accès à la marque litigieuse qu’un risque de confusion avec la marque antérieure est susceptible d’être établi.