Quel est l’impact des éléments pas ou peu distinctifs dans le cadre de l’appréciation du risque de confusion ?

Tribunal de l’Union Européenne, 10 avril 2024, T 42/23

Une opposition a été formée à l’encontre de la marque MH CUISINES, désignant not. des services de vente de meubles et d’équipements de cuisine, sur le fondement de la marque antérieure MM CUISINES qui couvre des meubles en classe 20 pouvant être placés dans une cuisine.

La division d’opposition puis la chambre de recours ont admis l’existence d’un risque de confusion.

Néanmoins, le TUE annule la décision déférée et rejette le risque de confusion selon un raisonnement qui nous convainc.

Nous en retenons ce qui suit :

Sur le niveau d’attention du public pertinent

➡ Il est élevé à l’égard des meubles (lit, meubles de cuisine) compte tenu du fait qu’ils ne sont pas régulièrement achetés, qu’ils représentent un achat coûteux et que des considérations fonctionnelles et esthétiques sont prises en compte lors de l’achat.

Sur les éléments distinctifs et dominants

➡ « Cuisines » est descriptif des produits/services concernés. Toutefois, il conserve un caractère autonome par rapport aux éléments « mm » ou « mh » ainsi qu’un caractère distinctif résiduel résultant de sa position, de sa taille et de son association avec les éléments « mm »/« mh ».

Sur la comparaison des signes

➡ Visuellement, la similitude entre les signes revêt un faible degré : dissemblances notables entre les éléments dominants constitués des séquences brèves « mm » et « mh », représentation graphique différente du signe contesté et faible caractère distinctif de l’élément commun « cuisines ».

➡ Phonétiquement, la similitude est d’un degré moyen : même si l’élément « cuisines » n’est pas négligeable, différences évidentes de prononciation entre les lettres « m » et « h » qui portent sur les éléments dominants des signes.

➡ Enfin, intellectuellement, la similitude est d’un degré supérieur à la moyenne lorsque le public comprend le terme « cuisines » indépendamment de son caractère descriptif ou distinctif puisque les signes concordent dans leur contenu sémantique (« mh » et « mm » n’ayant aucune signification). Mais pas de comparaison intellectuelle possible lorsque le public pertinent ne comprend pas la signification de ce terme.

Sur le caractère distinctif intrinsèque de la marque antérieure

➡ Il est considéré comme normal au regard des lettres « mm », n’étant pas démontré qu’il devrait être qualifié d’inférieur à la moyenne, indépendamment du caractère distinctif ou descriptif du terme « cuisines ».

Le risque de confusion, au terme d’une appréciation globale, est écarté :

➡ Lorsque les éléments de similitude entre deux signes tiennent au fait qu’ils partagent un composant ayant un faible caractère distinctif, l’impact de ces éléments sur l’appréciation globale du risque de confusion est faible.

Tel est le cas de l’élément de similitude faiblement distinctif et non dominant « cuisines » dont la présence au sein des signes n’est pas décisive et ne revêt qu’une faible incidence sur l’appréciation du risque de confusion.

➡ Le TUE retient en outre que « selon la jurisprudence, s’agissant d’une marque présentant un caractère distinctif faible, ayant ainsi une capacité réduite à identifier comme provenant d’une entreprise donnée les produits ou services pour lesquels elle avait été enregistrée, le degré de similitude entre les signes aurait dû être élevé pour justifier d’un risque de confusion, sauf à risquer de conférer à celle-ci et à son titulaire une protection excessive (5 octobre 2020, Eugène Perma France/EUIPO – SPI Investments Group (NATURANOVE), T‑602/19) ».

Or, le degré de similitude entre les signes n’est globalement pas élevé.

L’œil de BA : L’analyse du risque de confusion reste un exercice subtil qui implique de mettre en balance tous les facteurs pertinents.

Quel impact donner à un terme pas ou peu distinctif ? Tel est l’enjeu principal dont le TUE s’empare en l’examinant non pas seulement au stade du risque de confusion mais également lors de la comparaison des signes (v. ég. T-222/21 Shopify/EUIPO), méthode que les tribunaux français ne semblent pas nécessairement suivre.

La surprotection d’une marque faible (ou de certains de ses éléments, pas ou peu distinctifs) est un vieux serpent de mer qui pourrait (pour qui veut) se faufiler dans les mots croisés de l’été 😉 !