CA PARIS 4 AVRIL 2014, n°12/20559
La société Editions Jean-Claude Lattes a publié 17 octobre 2012 le premier tome de la romance érotique écrite par E.L James intitulé Cinquante nuances de Grey, traduction littérale de son titre original, Fifty Shades of Grey.
Un mois plus tard, la société First Grund publiait l’ouvrage Le décodeur de Cinquante nuances de Grey de l’écrivain Ana de Lis, un abécédaire qui commente et décrit l’œuvre initiale.
Le Tribunal de Grande Instance et la Cour d’appel de Paris ont rejeté les demandes en contrefaçon du titre de l’œuvre, en concurrence déloyale et parasitisme de la société Editions Jean-Claude Lattes.
Cette dernière sollicitait le bénéfice de la protection de l’article L.122-4 du Code de la Propriété Intellectuelle. Selon elle, l’originalité du titre de l’œuvre était indéniable, et le jeu de mots ‘subtil’ de Grey – qui désigne à la fois la couleur grise et le nom du personnage principal – participait largement à son originalité.
La défense répliquait que le titre français n’était que la « plate traduction » du titre anglais de l’écrivain E.L. JAMES.
Elle prétendait, en outre, que le titre de l’œuvre qu’elle publiait Le décodeur de Cinquante nuances de Grey était original.
La Cour d’appel de Paris rappelle classiquement que « dans le cas de la traduction d’une œuvre littéraire écrite dans une langue étrangère, le titre français est protégeable pour autant qu’il s’agisse d’une interprétation originale et non pas d’une simple traduction littérale du titre étranger ».
Elle en déduit que le titre français ne présente aucune originalité et partant, lui refuse la protection par le droit d’auteur.
La Cour déboute également l’appelante de ses demandes en concurrence déloyale et parasitisme.
Elle relève d’abord les genres littéraires différents auxquels appartiennent les œuvres litigieuses et précise que l’œuvre Le décodeur de Cinquante nuances de Grey avait été initiée dès juillet 2012, soit avant la parution de l’œuvre Cinquante nuances de Grey et alors que l’œuvre de E.L James était déjà parue aux Etats-Unis.
Elle note ensuite que les formats et illustrations de couverture se distinguent nettement et en conclut qu’il n’existe aucun risque de confusion alors même que les œuvres sont systématiquement associées sur les présentoirs des magasins qui les offrent en vente.
Si la traduction en français du titre de l’œuvre est banale, on sait que le succès de la saga – traduite dans plus de cinquante et une langues et vendue à plus de cent millions d’exemplaires dans le monde – l’est beaucoup moins.