Par arrêt du 21 mai 2015 (T-22/13 et T-23/13), le Tribunal de l’Union européenne a considéré que les deux dessins et modèles de parapluies asymétriques ici reproduits étaient protégeables au titre des dessins et modèles communautaires, sans que le brevet opposé à titre d’antériorité puisse en détruire leur validité :
Deux points retiennent notre attention : d’une part, l’analyse par le Tribunal de l’antériorité opposée, en l’espèce un brevet (1), d’autre part, l’appréciation du caractère individuel des dessins et modèles contestés (2).
1. S’agissant du brevet opposé, le titulaire des dessins et modèles soutenait en substance que :
- – les brevets sont par nature différents des dessins et modèles et ne peuvent constituer des antériorités ;
- – les créateurs individuels et les petites ou moyennes entreprises ne disposent pas de moyens financiers suffisants pour effectuer des recherches d’antériorités en dehors de l’Union européenne et plus particulièrement aux Etats-Unis ;
- – il serait impossible de connaître l’existence d’un parapluie breveté aux Etats-Unis si celui-ci n’a jamais été fabriqué ou commercialisé.
Ces arguments sont tous rejetés par le Tribunal. Ce dernier rappelle que bien qu’un brevet porte sur une invention technique, il peut être considéré comme destructeur de nouveauté ou de caractère individuel dès lors que celui-ci contient, en plus de la description technique du produit, son apparence (pt 24).
Il ajoute que pour remettre en cause la divulgation d’une antériorité produite par la partie adverse, il revient au titulaire dont les droits sont contestés d’établir par tout moyen la preuve de l’impossibilité pour les personnes composant les milieux spécialisés du secteur concerné de prendre connaissance du dessin et modèle antérieur opposé [Ces éléments de preuve peuvent notamment reposer, d’après le Tribunal, sur : la composition des milieux spécialisés, leurs qualifications, coutumes et comportements, l’étendue de leurs activités, leur présence aux évènements lors desquels des dessins ou modèles sont présentés] (pts 26 à 29).
Le Tribunal précise enfin que « le fait que le parapluie désigné par le brevet antérieur n’a jamais été produit […] n’est pas en mesure de démontrer que les milieux spécialisés du secteur concerné n’auraient pas raisonnablement pu en avoir connaissance autrement, comme par exemple à l’aide d’une consultation en ligne du registre des brevets américains » (pt 37).
2. S’agissant de l’appréciation du caractère individuel, le Tribunal rejette l’analyse de la Chambre de recours qui avait privilégié la perspective de dessous dans la comparaison des différentes vues des parapluies soumis et avait alors conclu à l’absence de caractère individuel des dessins et modèles contestés.
Le Tribunal souligne en effet, à raison selon nous, que « s’il fallait accorder à la perspective prise lors de l’usage une importance prépondérante pour l’évaluation de la perception d’une apparence par l’utilisateur, tous les objets que ce dernier enfile (comme les vêtements), porte (comme les chapeaux, bonnets, lunettes ou casques) ou sur, ou dans lesquels il peut se trouver normalement (comme les vélos), seraient en principe dépourvus de caractère individuel puisque lors de l’usage, ils n’ont aucune apparence distinctive (lunettes, casques, chapeaux) ou une apparence à peine perceptible, dont les contours sont similaires (vélos, vêtements) » (pt 97).
Lors de l’analyse des impressions globales produites par un dessin et modèle antérieur et le dessin et modèle litigieux, il convient bien évidemment de prendre en compte l’apparence du produit tel qu’il sera perçu par l’utilisateur averti mais il ne faut pas oublier l’ensemble des perspectives telles qu’elles apparaissent dans le dépôt, et ce, même si elles sont peu visibles lors de l’utilisation du produit.