Cour d’appel de Paris, 12 juin 2024, RG 22/14661
La RATP a confié à la société AMO FILMS et à un photographe indépendant, la réalisation d’ouvrages photographiques.
Considérant que 69 clichés avaient été recadrés de manière fautive et que 27 autres avaient été représentés lors d’une exposition par la RATP, sans autorisation préalable, AMO FILMS et le photographe ont initié une action en contrefaçon de droits d’auteur.
Concernant la protection par le droit d’auteur, la Cour d’appel examine l’originalité de chacune des œuvres revendiquées :
➡ Certains clichés sont originaux : ils résultent d’une combinaison de choix « réellement » arbitraires – la Cour salue le travail de composition obtenu par la recherche des conditions d’angles / de lumière et d’alignements extérieurs – obligeant le photographe à anticiper le mouvement et à penser le meilleur moment pour prendre la photo. Une « indéniable recherche esthétique » qui va « au-delà du simple savoir-faire professionnel ».
➡ D’autres clichés sont exclus de la protection car ils résultent du savoir-faire d’un professionnel aguerri (cadrage, floutage ou représentation de gestes techniques réalisés par les personnes photographiées).
Concernant les actes de contrefaçon :
➡ Sur l’atteinte au droit de divulgation au motif que la maquette de l’ouvrage n’avait pas été validée avant sa diffusion : les demandes sont rejetées car aucune clause n’impose une telle validation.
➡ Sur l’atteinte au droit au nom : elle est caractérisée car le nom du photographe ne figure dans l’ouvrage qu’au sein d’une liste des auteurs des différentes photographies, sans que ses clichés puissent lui être attribuables.
En revanche, l’atteinte n’est pas caractérisée au regard de l’exposition qui s’est tenue puisque le photographe était présent à l’évènement et a continué à collaborer avec la RATP sans se plaindre de cette atteinte.
➡ Sur l’atteinte à l’intégrité des œuvres : elle n’est pas caractérisée pour les clichés dont les bordures ont été légèrement rognées et présentant une colorimétrie plus terne, ces modifications minimes écartant toute dénaturation esthétique. Cependant, les recadrages ayant modifié la perspective de certaines photographies portent atteinte à leur intégrité.
➡ Sur l’atteinte aux droits patrimoniaux : elle n’est pas caractérisée car la cession de droits portait sur tous types d’exploitation et prévoyait la possibilité d’exposer les créations à des fins promotionnelles. L’exposition litigieuse était organisée dans un cadre interne à la RATP, même si les photographies étaient visibles depuis la rue.
𝗟’œ𝗶𝗹 𝗱𝗲 𝗕𝗔 : Le préjudice alloué en réparation de l’atteinte au droit moral du photographe est fixé à 3 500 €. Tout ça pour ça ? Ce d’autant plus que AMO FILMS et le photographe sont condamnés à verser à la RATP 3 000 € au titre de l’art.700, soit exactement la somme que la RATP devait leur payer au même titre devant le Tribunal … De quoi laisser perplexe sur l’intérêt à agir.