Tribunal judiciaire de Paris, 9 juin 2023, RG 20/06038
Un auteur reprochait aux sociétés de production de la série Narcos d’avoir exploité l’œuvre « Ballade pour Adeline » qu’il a composée pour illustrer une scène de meurtre aux motifs notamment que cet usage ne respectait pas l’esprit de l’œuvre et qu’il n’était pas cité dans le générique de l’épisode litigieux.
Les juges rejettent ses demandes fondées sur l’atteinte au respect de l’œuvre :
▶ L’usage d’une œuvre pour illustrer de la violence n’est en soi illicite que si l’esprit de l’œuvre y est incompatible.
Si la musique originale fait preuve de légèreté et avait été dédicacée à la fille de l’auteur, ces éléments ne démontrent pas nécessairement que son usage soit limité à une interprétation pour des enfants ou pour illustrer « l’amour » et la « tendresse ».
▶ Les juges relèvent par ailleurs, que l’auteur avait précédemment autorisé que son œuvre soit exploitée pour illustrer de la violence (pour d’autres productions audiovisuelles par exemple).
Ils soulignent que « l’œuvre a été conçue, ou du moins a évolué avec l’accord de l’auteur, dans un esprit qui n’est pas exclusivement la tendresse, l’amour ou la pureté, et qui n’interdit pas par principe l’association avec la représentation choquante de la violence ».
▶ En outre, dans l’épisode contesté de la série Narcos, l’œuvre était détachée des scènes contestées car elle débutait avant que ces scènes ne basculent dans l’horreur.
➡ En revanche, l’atteinte au droit de paternité est caractérisée : le tribunal relève que ni l’œuvre, ni son auteur ne sont mentionnés au générique. Les sociétés de production se contentent d’alléguer qu’il s’agit d’un usage en matière de séries télévisées sans l’étayer par aucune explication, ni preuve.
➡ Sur le préjudice, le tribunal relève que le droit moral de l’auteur n’est pas un droit de la personnalité et le dommage causé par l’atteinte au droit d’un auteur au respect de son nom et de sa qualité se manifeste concrètement en chaque lieu où des personnes accèdent à la reproduction ou la représentation litigieuse de son œuvre.
Le domaine de compétence du tribunal s’étend donc seulement à la diffusion en France de l’épisode litigieux.
𝗔 𝗻𝗼𝘁𝗲𝗿 : Le tribunal alloue à l’auteur la seule somme de 1000 € en réparation de son préjudice et condamnation de ce même auteur à verser 4000 € à l’un des producteurs au titre de l’article 700.