La contrefaçon du dessin ou modèle européen NON enregistré (DMENE) s’apprécie de manière plus restrictive que la contrefaçon du dessin ou modèle enregistré.
A la différence des DM enregistrés, il est possible d’interdire « la fabrication, l’offre, la mise sur le marché, l’importation, l’exportation ou l’utilisation d’un produit dans lequel le DM est incorporé ou auquel celui-ci est appliqué, ou le stockage du produit à ces mêmes fins » si, et seulement si, ces actes résultent d’une copie du DM protégé.
D’après l’article 19§2 du Règlement n°6/2002 (al.1 et 2), la « copie » qui peut être interdite est celle qui ne résulte pas d’un « travail de création indépendant réalisé par un créateur dont on peut raisonnablement penser qu’il ne connaissait pas le modèle divulgué par le titulaire. »
En pratique, la jurisprudence française donne différentes définitions de la copie :
– la copie « s’oppose à l’imitation qui reprend seulement certaines des caractéristiques du modèle sans le reproduire en sa totalité et aboutit à un résultat similaire et non pas identique » : pour le Tribunal, la « copie» s’entend donc d’une reproduction identique – TGI Paris, 10 fév. 2010 et 19 novembre 2010, n°08/17089 et n°09/12207
– « La notion de copie s’entend comme une reproduction parfaitement conforme ou une imitation excluant tout travail créatif » : le Tribunal semble ici plus nuancé, à tout le moins dans sa fin de phrase et permet de considérer comme « copie », la seule imitation dès lors que celle-ci exclut tout travail créatif, ce qui nous paraît bien plus conforme à l’esprit de l’article 19 – TGI Paris, 10 juil. 2015, n° 13/06064
Dernièrement, le Tribunal, après avoir distingué la protection conférée au DM enregistré de celle conférée au DMENE, a défini la copie comme suit :
« Il s’ensuit que contrairement au dessin et modèle enregistré pour lequel le droit conféré permet d’interdire l’utilisation de tout dessin ou modèle qui ne produit pas une impression visuelle d’ensemble différente de celle du modèle protégé, le dessin ou modèle non enregistré ne permetcette protection que concernant un dessin ou modèle qui constitue une copie du dessin ou modèle protégé, c’est à dire qui lui est identique à l’exception des différences constituées de détails insignifiants » (TGI Paris, 3è section 27 nov. 2015, n° 13/09410).
La Cour d’appel de Paris semble, elle aussi, exclure l’imitation du champ de la contrefaçon s’agissant du DMENE et rejette l’action en contrefaçon, faute pour le modèle incriminé de ne pas reproduire le modèle invoqué à l’identique (CA Paris, 11 sept. 2015, n° 13/20372 ; CA Paris, 13 oct. 2015 n°14/22030 – Deveaux/H&M).
Définir la copie comme une reproduction servile ou identique et corrélativement exclure l’imitation est contraire au texte et nous paraît constituer une grave erreur.
Il conviendrait simplement de vérifier si oui ou non le DM incriminé peut être qualifié de « travail de création indépendant ».
Le considérant 21 du Règlement énonce : « En revanche, le dessin ou modèle communautaire non enregistré ne devrait conférer que le droit d’empêcher la copie. La protection ne peut donc s’étendre à des produits auxquels sont appliqués des dessins ou modèles qui sont le résultat d’un dessin ou modèle conçu de manière indépendante par un deuxième créateur. »
La conjonction ‘donc’ implique que la notion de « copie » est précisée par rapport au « travail de création indépendant » qu’elle ne peut être ; cela n’implique jamais que la copie ne puisse pas être une simple imitation.
La nuance est de taille : la seule sanction de la reproduction servile exclut la contrefaçon pourtant constituée par imitation (v. TGI Paris, 21 février 2014, n° 12/09150, confirmé par CA 20 nov. 2015, n°14/10985 (dans des termes plus nuancés « copie au sens de l’article 19 »)).
Plus encore, la volonté du législateur s’est clairement exprimée en ce sens dans le Livre Vert de la Commission (Juin 1991) : « La protection contre la reproduction non autorisée ne peut se limiter à une protection contre la reproduction servile mais doit s’étendre aux imitations substantiellement similaires. » (p.97).
L’imitation ne doit pas être exclue du champ de la contrefaçon du DMENE.
La sévérité dont font preuve les juridictions françaises à l’égard du titulaire d’un DMENE n’est pas justifiée : elle est contraire tant à la lettre du Règlement, qu’à son esprit et ne fait qu’encourager la contrefaçon.