Cour d’appel de Paris, 13 mars 2020, n°19/04127
Diffusion d’un film publicitaire par une association de défense de la protection animale contre l’industrie du foie gras – primauté de la liberté d’expression

L’association professionnelle agricole CIFOG, assurant la défense et la promotion du foie gras, a fait réaliser et diffusé un film publicitaire représentant un moment festif et convivial de dégustation de foie gras, avec le slogan « le foie gras, exceptionnel à chaque fois ».

Elle a sollicité, en référé, l’interdiction de la diffusion d’un film contre la consommation du foie gras, réalisé par l’association de protection animale L214, qui, durant 6 secondes, reprenait à l’identique des images de son propre film, en y ajoutant notamment des images de gavage de canards et en transformant son slogan en « le foie gras, exceptionnellement cruel à chaque fois », afin de dénoncer les conditions de production de foie gras.

Au visa de l’article 10 CEDH, consacré à la liberté d’expression, la Cour infirme l’ordonnance de référé qui avait interdit la diffusion du film. Elle rappelle que :

  • Les limitations à l’exercice de la liberté d’expression ne sont admises qu’à la condition qu’elles soient prévues par la loi, justifiées par la poursuite d’un intérêt légitime et proportionnées au but poursuivi c’est à dire rendues nécessaires dans une société démocratique.
  • Selon la jurisprudence de la CEDH, ‘l’adjectif « nécessaire » implique un « besoin social impérieux ».

 
Il n’y a pas lieu ici de restreindre cette liberté dès lors que :

  • Il entre dans l’objet de l’association L214 de diffuser des messages dénonçant les modes de fabrication du foie gras, même si ces messages visent à inciter le consommateur à ne plus en acheter et causent un préjudice à la filière, étant observé qu’il n’est allégué d’aucun caractère injurieux ou diffamatoire du film.
  • L’atteinte à des investissements financiers ne peut à elle seule justifier une restriction de la liberté d’expression.
  • L’atteinte au droit d’auteur n’est pas caractérisée. En présence même d’un droit d’auteur avéré, il demeure que la contrefaçon peut être écartée en présence d’une parodie prévue par l’art.L.122-5 CPI.
  • Ainsi, aucune violation d’un droit, d’un dommage imminent ou d’un trouble manifestement illicite n’est justifiée avec l’évidence requise en matière de référé.