Tribunal judiciaire de Paris, 25 avril 2024, n°23/04554
Une artiste plasticienne revendiquait des droits d’auteur sur des motifs de papiers peints comprenant un décor mural intitulé “White Spirit”.
Constatant que son distributeur offrait à la vente des papiers peints semblables, commercialisés par la société Eijffinger, elle a saisi le tribunal judiciaire de Paris d’une action en contrefaçon de ses droits d’auteur à l’encontre de cette dernière.
L’originalité du papier peint revendiqué est reconnue par les juges :
➡ L’artiste a fait le choix, de manière arbitraire, de superposer des modules ou formes graphiques monochromes découpées au cutter dans du papier, et non pas dessinées au crayon, afin de renforcer l’impression de profondeur des angles. Ces choix confèrent à l’ensemble un aspect visuel en trois dimensions.
➡ Si l’artiste ne peut revendiquer un monopole sur un genre relatif à la superposition de collages de papier, les caractéristiques précitées combinées ne se réduisent pas à une idée ou à un simple savoir-faire technique mais révèlent un travail innovant sur le volume, traduisant un travail créatif.
➡ L’illusion d’optique ainsi créée par la mise en relief des formes géométriques découpées et le jeu d’ombre, évoquent la représentation d’une sculpture de papier, dans une esthétique qui s’avère singulière s’agissant d’une tapisserie murale.
En revanche, le tribunal écarte la contrefaçon :
➡ Le papier peint incriminé consiste certes en un panneau mural décoratif de grande taille représentant des formes graphiques. L’aspect monochrome est également présent, même si les couleurs proposées par la demanderesse sont plus variées.
➡ Cependant, le décor ne représente pas une superposition, sur différents niveaux, de formes ou modules graphiques découpés dans du papier et superposés pour restituer une impression visuelle de profondeur en trois dimensions.
➡ Le tracé des lignes rappelle au contraire celui d’une aiguille de potier dans de l’argile ou d’un tracé dans de la pierre, pour représenter des formes qui sont au demeurant différentes de celles figurant dans l’œuvre revendiquée.
➡ Dès lors, le rendu particulier de la matière, recherché avec réalisme dans la création de l’artiste, ne se retrouve pas de la même manière dans celle de la défenderesse qui affirme d’ailleurs la réaliser sur un logiciel.
A noter que l’artiste revendiquait des droits d’auteur sur d’autres motifs de papiers peints, mais le tribunal a refusé d’admettre leur caractère original au motif que les caractéristiques revendiquées témoignent d’un savoir-faire maîtrisé et ne font que décrire un genre non appropriable : la juxtaposition de formes géométriques de couleurs différentes largement inspirée de l’art abstrait ou du cubisme.
La décision n’est pas définitive, elle peut faire l’objet d’un appel.