Une société ayant pour activité la distribution et la création de produits de souvenirs est titulaire de modèles français sur des porte-clés composés d’une Tour Eiffel revêtue d’accessoires.
Elle a initié une action en contrefaçon sur le fondement de deux de ses modèles et la nullité de ces derniers était reconventionnellement soulevée pour défaut de nouveauté et de caractère individuel.
Sur le 1er modèle, des antériorités identiques ou quasi-identiques divulguées et commercialisées depuis plusieurs années par des sociétés chinoises étaient produites.
Sur le fondement de l’article L. 511-6 du CPI, la demanderesse soutenait que ces antériorités ne pouvaient être raisonnablement connues par les professionnels du secteur et notamment par elle, qui n’avait jamais été destinataire des catalogues de ces sociétés.
La Cour ne suit pas cet argument et annule le modèle.
Les catalogues de sociétés chinoises corroborés par une attestation et des fiches techniques reproduisant les porte-clés en question justifient de cette divulgation antérieure.
Même si la demanderesse n’était pas cliente de ces sociétés, leurs catalogues – bien que rédigés en anglais – s’adressent à tous les opérateurs du secteur du marché des souvenirs, notamment d’Europe, qui se fournissent principalement en Chine et qui se tiennent informés des tendances.
La Cour rappelle que si une divulgation intervenue dans les 12 mois précédant le dépôt du modèle revendiqué ne doit pas être prise en considération, c’est à la condition que cette divulgation soit le fait du créateur ou qu’elle ait été faite suite à un comportement abusif à son égard.
Sur le 2nd modèle, la défenderesse produit en guise d’antériorité, un dépôt FIDEALIS qu’elle avait elle-même réalisé.
Ce dépôt est écarté par la Cour car aucun élément ne vient établir qu’il a été rendu accessible au public et qu’il a été raisonnablement connu des professionnels du secteur.
La validité du second modèle est reconnue – le jugement est infirmé sur ce point.
L’arrêt est intéressant, notamment au regard de l’art. L.511-6, mais il n’est pas sans susciter quelque inquiétude sur deux points :
𝟭𝗲𝗿 𝗽𝗼𝗶𝗻𝘁. On peut raisonnablement s’interroger sur la pertinence d’antériorités constituées de catalogues qui ‘surgissent’ seulement en cause d’appel et qui proviennent du fournisseur de la société poursuivie.
Ce fournisseur ne risque pas grand-chose car non attrait dans la cause.
On devrait donc être d’une exigence très forte aujourd’hui à l’égard de telles antériorités et montrer par exemple que ces catalogues ont été diffusés auprès de plusieurs opérateurs pour garantir leur authenticité.
Les moyens techniques pour réaliser un catalogue sont simples, nous le savons.
𝟮𝗲̀𝗺𝗲 𝗽𝗼𝗶𝗻𝘁. La condamnation globale – D&I au titre de la contrefaçon et article 700 – est faible et ne permet pas, probablement, de rembourser les frais du litige. La poursuite de la contrefaçon doit pourtant être encouragée…
Décision rendue par la Cour d’appel de Paris, le 14 septembre 2022 (RG n°19/07484)