14L’expression BE HAPPY ne peut constituer une marque valable et doit être annulée. Tel est l’enseignement délivré par un arrêt récent du Tribunal de l’Union Européenne (TUE, 30 avril 2015, aff. T-707/13 et T-709/13, Steinbeck GmbH c/ OHMI, not. pt. 31 à 34 et 40).
BE HAPPY ne fait qu’exprimer un message objectif, invitant à être heureux, immédiatement perçu par les consommateurs concernés (anglophones et germanophones) dans cette signification première, sans qu’ils aient besoin de développer un minimum d’effort d’interprétation pour comprendre l’expression.
Cette absence de distinctivité intrinsèque – peu important que le signe BE HAPPY ne soit pas descriptif des produits visés (deux marques BE HAPPY avaient été enregistrées pour désigner les produits des classes 9, 11, 16, 18, 21, 28, 30) – n’est pas surprenante et la solution dégagée reste classique au regard de la jurisprudence.
Dès lors qu’une expression sera d’emblée perçue comme un simple slogan publicitaire, comme une indication de qualité ou comme incitant à acheter ou utiliser les produits ou services désignés par cette expression, elle ne peut renvoyer le consommateur à l’origine de ces produits ou services et constituer une marque.
Tel est bien le cas de l’expression concernée qui, pour être fort contemporaine, n’en demeure pas moins qu’une simple injonction au bonheur que le consommateur percevra en tant que telle, sans l’associer à une origine déterminée.
Ne peuvent donc s’apparenter à des marques valables, les expressions qui sont de brèves formules frappantes, conçues pour être facilement mémorisées et qui ont pour fonction première de délivrer au consommateur ou à l’utilisateur un message souvent informatif et descriptif, toujours promotionnel, laudatif, du produit offert ou du service rendu.
Si, en revanche, le signe recherché ne se réduit pas à un message publicitaire ordinaire, mais possède une certaine originalité ou prégnance, nécessite un minimum d’effort d’interprétation ou déclenche un processus cognitif auprès du public concerné permettant ainsi de le percevoir dans sa fonction d’origine des produits ou services concernés, il pourra être considéré comme distinctif (CJUE, 21 janv. 2010, Audi/OHMI, C-398/08, pt. 35 et 57 : à propos du slogan allemand traduit comme L’AVANCE PAR LA TECHNIQUE, jugé distinctif mais dont la renommée a certainement participé à sa validité).
Il est aujourd’hui reconnu par la pratique que de tels slogans, formules, indications qualitatives ou incitatives sont difficiles à protéger par une marque, particulièrement devant l’OHMI.
L’arrêt BE HAPPY illustre cette tendance et prend soin de rappeler que l’Office communautaire ne tient pas compte des éléments factuels suivants, souvent avancés par les requérants :
- – le signe demandé à l’enregistrement est bref et concis, facilement mémorisable ;
- – il peut être facilement apposé en raison de sa brièveté sur les produits, conformément aux usages typiques en matière de marques ;
- – il a été déjà enregistré par un ou plusieurs offices nationaux.
Le parcours est donc difficile pour les opérateurs désireux d’obtenir des marques sur de telles expressions, mais pas impossible. Ils pourront notamment songer à différer leur demande d’enregistrement au jour où leur signe, largement exploité, aura acquis un caractère distinctif par l’usage.
Cette jurisprudence rigoureuse ne touche pas seulement ce type d’expressions.
Elle concerne encore des signes qui seront perçus par le consommateur comme de simples éléments décoratifs (par ex. le slogan « I Love Paris » – Cass., Com., 6 janv. 2015, n° 13-17.108), politiques ou artistiques (par ex. la photographie de Korda représentant Che Guevara – CA Paris, 21 nov. 2008, n°06/18957), mais jamais comme renvoyant à une origine déterminée.