CA Paris, Pôle 5, chambre 1 – 22 mars 2016, RG n°14/26251 et 12 avril 2016, RG n° 14/23137
Notre billet « Dessins et Modèles : la « copie » de l’article 19§2 : à revoir ! » (février/mars 2016) faisait état de la sévérité des tribunaux français à l’égard du titulaire d’un modèle européen non enregistré (DMENE) et expliquait en quoi exclure l’imitation du champ de la contrefaçon pour ne retenir que la ‘copie servile’ était contraire à la lettre et à l’esprit du texte.
Deux arrêts récents rendus par la Cour d’appel de Paris reviennent fort heureusement sur la question : la ‘copie’ de l’article 19§2 n’est pas nécessairement une ‘copie servile’, la contrefaçon d’un DMENE peut être caractérisée en présence d’une simple imitation.
Dans le premier arrêt (CA Paris, 22 mars 2016, RG n°14/26251), une société soutenait que le Tribunal l’avait à tort condamnée pour des faits de contrefaçon de DMENE portant sur un modèle de veste en l’absence de toute copie servile.
La Cour énonce clairement : « Considérant que les sociétés intimées font vainement grief au jugement d’avoir retenu l’existence d’une contrefaçon de la veste O même en l’absence d’une copie servile de cette veste par la veste L de la société MANGO, dès lors que la notion de copie au sens de l’article 19.2 du règlement n°6/2002 ne s’entend pas de la copie ‘servile’ mais doit être appréhendée à la lecture de l’article 10 du règlement n°6/2002 selon lequel ‘1. La protection conférée par le dessin ou modèle communautaire s’étend à tout dessin ou modèle qui ne produit pas sur l’utilisateur averti une impression visuelle globale différente. 2. Pour apprécier l’étendue de la protection, il est tenu compte du degré de liberté du créateur dans l’élaboration du modèle.’ »
La Cour ajoute : « C’est par des motifs pertinents que la cour adopte que le tribunal a estimé que la combinaison d’éléments qui donnent à la veste O son caractère nouveau et individuel est reprise à l’identique par la veste L et que l’impression d’ensemble que ces deux vestes produisent sur l’utilisateur averti est identique. »
Point de copie servile nécessaire donc, la contrefaçon est constituée.
Cette solution nous paraît parfaitement justifiée, à deux réserves près.
Pour caractériser la contrefaçon :
– la Cour s’assure que l’impression d’ensemble produite par les modèles en présence est « identique » : l’art. 10 du règlement n°6/2002 n’exige pourtant pas que l’impression d’ensemble dégagée par les modèles en jeu soit « identique » ; il suffit qu’elle ne soit pas « différente »
– la Cour ne se réfère pas, à regret selon nous, à l’absence de « travail de création indépendant réalisé par un créateur dont on peut raisonnablement penser qu’il ne connaissait pas le modèle divulgué par le titulaire. » (art.19§2 du règlement n°6/2002 al. 2).
Dans un second arrêt confirmatif (CA Paris, 12 avril 2016, RG n° 14/23137), la Cour rejette la contrefaçon d’un DMENE portant sur un manteau en ces termes :
« Que le manteau de la société D ne constitue donc pas une copie du manteau M au sens des dispositions précitées du règlement [art. 19§2] qui, comme le fait valoir à juste raison la société S, n’exigent pas l’existence d’une copie ‘servile’ ».
Ces décisions, toutes deux rendues par le Pôle 5 – chambre 1 de la Cour d’appel de Paris méritent entière approbation sur la définition de la ‘copie’ au sens de l’article 19§2.