Déchéance de marques composées de caractères chinois (oui) / altération du caractère distinctif

Cour d’appel de Bordeaux, 18 septembre 2024, n°21/04255

La SAS Castel Frères, titulaire de deux marques figuratives françaises en langue chinoise déposées pour des boissons alcooliques et des vins reprochait à une société chinoise de commercialiser des bouteilles de vin en Chine sous un signe proche.

La société chinoise a introduit une action en déchéance des marques françaises précitées devant le TJ de Bordeaux en 2018.

L’usage sérieux des marques avait dans un premier temps été reconnu par le tribunal judiciaire, mais la Cour d’appel infirme la décision attaquée.

Elle prononce effectivement la déchéance des deux marques au motif que l’utilisation qui en est réalisée est de nature à altérer leur caractère distinctif :

➡️ S’agissant du public pertinent et de sa perception des marques contestées, il est constant que les produits visés – des bouteilles de vin rosé importées de Chine – sont disponibles dans les restaurants, les cafés et les grandes surfaces. Dès lors, même si la stratégie commerciale de la société Castel Frères vise un public sinophile, c’est en réalité le grand public qui est confronté à ce signe compte tenu des réseaux de distribution concernés.

➡️ S’agissant de l’usage des marques, elles sont apposées essentiellement sur des étiquettes de bouteilles de vin, auxquelles se réfèrent les catalogues, factures ou fiches d’information versés aux débats. À la lumière de ces éléments, il apparaît que le public pertinent n’est pas en mesure de prononcer ou de mémoriser les marques semi-figuratives.

La Cour souligne que les caractères chinois peuvent faire l’objet d’une marque, car ils possèdent un caractère distinctif. Toutefois, ce caractère distinctif se heurte à un déficit de reconnaissance par le public français moyen, qui ne peut ni les comprendre, ni les interpréter.

➡️ Les marques sont toujours accompagnées de deux autres signes – « Dragon de Chine » associé au dessin d’un dragon et « Kasite » (traduction française de la marque contestée) – apposés de manière prédominante, de sorte que ces éléments domineront davantage l’impression d’ensemble conféré par le signe, pris dans sa globalité, apposé sur l’étiquette des produits.

➡️ Dès lors, il existe une altération du caractère distinctif des marques résultant de leur usage, ce d’autant qu’il n’est pas démontré que le public ne prenne pas ces marques comme un ‘caractère de fantaisie’ uniquement destiné à souligner l’origine du vin, et donc décoratif.