Exploitation de la marque OXFORD / Forclusion par tolérance et renommée

Cour de Cassation, chambre commerciale, 5 juin 2024, n°23/15380

La société Holdham, titulaire de marques OXFORD pour de la papeterie, a assigné pour atteinte à leur renommée, une société commercialisant des trousses et cartables revêtus de ce signe.

En appel, elle avait été jugée forclose à agir pour avoir toléré l’existence et l’exploitation de la marque contestée depuis plus de 5 ans, par application de l’art. L. 716-5 du CPI dans sa rédaction antérieure à celle issue de l’ord. du 13 nov. 2019.

Un pourvoi a été formé pour deux raisons :

➡ L’art. L. 716-5 du CPI vise les actions en contrefaçon alors que l’atteinte à la renommée n’est pas qualifiée comme telle (art. L. 713-5 du CPI).

➡ La Cour d’appel n’a pas examiné strictement la réalité de la connaissance effective par la société Holdham de l’usage de la marque contestée.

La Cour de cassation rejette le pourvoi :

𝗦𝘂𝗿 𝗹𝗲 𝟭𝗲𝗿 𝗺𝗼𝘆𝗲𝗻

– Les art. 9 des directives de 2008 et 2015, transposés à l’art. L. 716-5 du CPI, n’opèrent aucune distinction selon que la marque antérieure est ou non renommée. Le droit de l’Union accorde une protection identique au titulaire de la marque postérieure tolérée, que la marque antérieure soit renommée ou non.

– Le titulaire d’une marque antérieure jouissant d’une renommée ne peut donc plus agir s’il a toléré en France pendant une période de 5 années consécutives, l’usage d’une marque postérieure : il ne peut ni en demander la nullité, ni s’opposer à son usage, ni demander réparation du préjudice, à moins que le dépôt n’ait été réalisé de mauvaise foi.

𝗦𝘂𝗿 𝗹𝗲 𝟮𝗲𝗺𝗲 𝗺𝗼𝘆𝗲𝗻

– Les conditions nécessaires pour faire courir le délai de forclusion sont : l’enregistrement de la marque postérieure ; le dépôt de cette marque effectué de bonne foi ; l’usage de cette marque par son titulaire dans l’État membre où elle a été enregistrée ; la connaissance par le titulaire de la marque antérieure de l’enregistrement de cette marque et de son usage (Budvar, 22 sept. 2011, C-482/09).

– La preuve de la connaissance par le titulaire de la marque antérieure de l’usage de la marque contestée peut résulter d’une connaissance générale dans le secteur concerné, cette connaissance pouvant être déduite, not., de la durée d’utilisation (Lindt & Sprüngli, 11 juin 2009, C-529/07).

– Il est retenu que la société Holdham avait dans le passé exploité la marque critiquée en vertu d’une licence, que ses commerciaux sont présents dans les rayons de fournitures scolaires là où se trouvent les produits litigieux (ou à proximité) et que cette société a donc nécessairement eu connaissance de l’enregistrement de la marque contestée et de son exploitation dès 2009.

𝗟’œ𝗶𝗹 𝗱𝗲 𝗕𝗔 : Cette décision nous semble conforme à la jurisprudence. La forclusion par tolérance vise à mettre en balance les intérêts du titulaire d’une marque à sauvegarder la fonction essentielle de celle-ci, avec les intérêts d’autres opérateurs à disposer de signes susceptibles de désigner leurs produits et services (Heitec, 19 mai 2022, C-466/20)