Cour d’appel de Paris, 10 novembre 2023, RG n°21/19126
La société CELINE a assigné la société MANGO pour des agissements parasitaires, du fait de la promotion et de la commercialisation de copies de plusieurs de ses produits (lunettes, maroquinerie, chaussures ou bijoux).
En défense, la société MANGO soutenait que la demanderesse se fonde sur une multiplication artificielle de modèles litigieux en invoquant un « suivisme récurrent » sans rapport avec un quelconque effet de gamme.
Elle ajoutait que la société CELINE n’établit pas l’existence d’une valeur économique individualisée pour chacun des produits en cause, cette valeur économique ne se présumant pas et résultant au contraire d’un savoir-faire, d’un travail intellectuel et d’investissements qui ne peut uniquement ressortir du caractère luxueux des produits ou de la renommée des directeurs artistiques employés. Au demeurant, elle soulignait que les produits sont banals.
La Cour ne suit pas cette position et condamne la société MANGO pour les raisons suivantes :
▶ Les pièces produites par la société CELINE démontrent que les produits revendiqués sont des produits phares qui bénéficient d’une certaine notoriété. Ils constituent ainsi des valeurs économiques individualisées même si les chiffres de vente pour chacun d’entre eux ne sont pas produits.
▶ La société MANGO a offert à la vente les produits incriminés, concomitamment à ceux de la société CELINE. Ces produits sont très inspirés et sont pour la plupart commercialisés peu après leur présentation lors d’un défilé ou leur lancement.
▶ Enfin les produits incriminés sont pour la plupart issus d’une même collection, caractérisant ainsi un effet de gamme.
Les juges en concluent que les reprises répétées de produits à succès ne peuvent être considérées comme fortuites. Elles tendent à générer une évocation des produits CELINE dans l’esprit du public et à profiter ainsi, sans bourse délier, de ses investissements et de la notoriété de ses produits.
Les dommages et intérêts sont évalués la somme de 2 000 000 euros, incluant un préjudice moral du fait de l’atteinte à la réputation et à l’image de la société CELINE fondée sur le luxe et l’exclusivité, les frais de procédure (article 700) à 40 000 euros.
On note que la Cour s’inspire, sur le préjudice, de la jurisprudence de la Cour de cassation : « Les pratiques déloyales consistant à reprendre les efforts et les investissements, intellectuels, matériels ou promotionnels d’un concurrent, qui ont un coût en ce qu’ils permettent à l’auteur de ces pratiques de s’épargner une dépense en principe obligatoire, induisent un avantage concurrentiel indu dont les effets, en termes de trouble économique, sont difficiles à quantifier avec les éléments de preuve disponibles ».